L'ENTRETIEN
DE M. DESCARTES
AVEC M. PASCAL LE JEUNE
Article
publié dans la Lettre n° 275
L’ENTRETIEN DE M. DESCARTES AVEC M. PASCAL
LE JEUNE de Jean-Claude Brisville. Mise en scène et interprétation
Daniel Mesguich, William Mesguich.
Lorsque Jean-Pierre Miquel crée sa pièce en octobre1985 au Petit
Odéon, Jean-Claude Brisville est encore un inconnu. Il a imaginé
l’entretien qui eut lieu le 24 septembre 1647 au couvent des Minimes
à Paris. La rencontre est historique mais il n’y eut aucun témoin.
Brisville a confronté ces deux esprits supérieurs. Les deux hommes
se respectent, se lisent, s’admirent. Le jeune Blaise Pascal a vingt-quatre
ans, il est malade et se repose dans ce couvent. René Descartes
a cinquante et un ans, il est auréolé d’une gloire européenne. D’ailleurs,
il est sur le départ pour Stockholm où l'a invité la reine de Suède.
Cette rencontre correspond à une attente et une curiosité commune.
Leur vision du monde va-t-elle s’accorder à la rigueur et à l’expérience ?
Philosophe, physicien, mathématicien et moraliste, René Descartes
était-il si cartésien que cela ? Après une éducation de gentilhomme
au collège de La Flèche, il étudie la médecine et le droit. Il part
combattre dans l’armée de Hollande. Il abandonne l’armée et les
voyages. En France, il fréquente plus les salons mondains que les
scientifiques. Surprenant toujours, il écrit souvent en français
plus qu’en latin car il a le désir d’être lu par le plus grand nombre.
Blaise Pascal, dès l’enfance, est fragile. Il est bercé dans un
milieu fervent, en poésie, en science, en mathématique. En 1647,
il a déjà construit une machine arithmétique, refait l’expérience
de Torricelli. Sa passion pour les sciences est toujours aussi vive
malgré sa conversion en 1646. Le jansénisme, la rigueur, une fièvre,
un désir d’absolu sont le cœur de cet être surdoué. René Descartes,
le moraliste, connaît la vie et les hommes. En 1647, il est dans
la force de l’âge.
Jean-Claude Brisville s’est mis dans le style de l’un et de l’autre
et a écrit un dialogue où la fièvre et la raison s’opposent, s’affrontent,
se heurtent. Passionnante, instructive, la conversation des deux
philosophes nous renvoient avec délectation sur les bancs de l’école.
Nul n'est besoin de savoir par coeur les Provinciales ou
le Discours de la méthode pour suivre le spectacle et prendre
un plaisir infini à cet entretien intelligent. Daniel Mesguich a
créé cette pièce dans le rôle de Pascal le jeune. Celui de Descartes
était alors tenu avec une inoubliable humanité par Henri Virlojeux.
Le théâtre est fait de ce grand passage de témoin et de rôle. Daniel
Mesguich endosse aujourd’hui le rôle de Descartes, calme, posé,
réfléchi. Il est le meilleur avocat qui soit pour que l’on relise
l’auteur. William Mesguich a un visage angélique, brouillé par les
accès de fièvre de son Pascal le jeune. Il donne à son personnage
l’exaltation sans concession de la jeunesse. Habillés en costumes
d’époque, ils évoluent dans un espace où les livres règnent en maître,
une malle, un lit et un clin d’œil.
Le spectacle a été créé cet été au Festival off d’Avignon et joué
à guichet fermé. Le texte de Brisville, témoin intemporel des deux
philosophes, n’exclut pas l’humour. Daniel Mesguich, le père, et
William Mesguich, le jeune, sont les professeurs de philosophie
dont nous avons tous rêvé. Théâtre de l’œuvre 9e.
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