L'ENFANT
DO
Article
publié dans la Lettre n° 204
L’ENFANT DO de Jean-Claude Grumberg.
Mise en scène Jean-Michel Ribes avec François Berleand, Chantal
Neuwirth, Olga Grumberg, Jonathan Zaccaï, Alexandre Aubry, Philippe
Le Gall.
L’ours brun, assis, superbe, qui occupe tout l’espace de la scène
ne laissera personne indifférent. Jean-Marc Stéhlé a planté son
merveilleux décor dans ce personnage à part entière, y logeant astucieusement
les trois lieux clés, trois appartements, de la pièce qui va se
jouer. Immense, l’oeil fixe, l’oreille bien ronde, brun, sa peluche
bouclée comme il faut, il tend ses bras vers la salle. Exploitant
fort bien ce décor, Jean-Michel Ribes a organisé la mise en scène
parfaitement réglée d’une pièce qui va parler d’enfance. Pas de
n’importe quelle enfance, Jean-Claude Grumberg, l’auteur, a été
particulièrement marqué par la sienne, elle est récurrente dans
toute son oeuvre, dans l’Atelier, entre autres (lettre n°149).
«Lui» souhaiterait être père. Il pointe au chômage. Elevé par sa
mère, il n’a pas connu son père. «Elle» est plus réticente. Elle
n’a plus que son père et corriger les copies des autres lui semble
suffisant. Ils ne sont pas mariés, leur logement est bien trop exigu
pour accueillir un enfant. Pourtant Jacquot arrive avec son petit
caractère. Leur vie ainsi que celle de pépé et de mémé va s’en trouver
bouleversée et s’organiser autour de ce petit bout d’homme que l’on
a conçu «parce qu’il faut bien que cela continue aussi» et dont
il va falloir «biseauter le robinet» même si l’on ne croit plus
à rien. Chacun va apporter son expérience, ses certitudes, pour
forger tout ce qui fera de lui un homme, mais le présent ne se vit
qu’en fonction du passé. «Elle» et son père juif ont le leur, bien
différent de «lui» et sa mère juive marocaine et malgré une religion
commune, les frictions et les mésententes jalonneront les jours
et les nuits, sous l’oeil inquisiteur de l’ours de Jacquot. Ce dernier
traversera ces années avec l’exigence des enfants, réclamant d’avoir
un chez lui avec papa-maman qu’il n’obtiendra qu’au prix d’une disparition.
On suit avec plaisir l’existence chaotique de ces cinq personnages
et de l’ours parce que les dialogues à la fois drôles et émouvants
sonnent justes, alternant les réparties comiques avec celles plus
graves et bien sûr grâce à la prestation sans faille des comédiens,
Chantal Neuwirth en tête, particulièrement excellente en mère juive
au franc-parler, débordante de tendresse pour ses deux hommes. On
rit beaucoup même si derrière le texte se cache tout le drame d’un
peuple, ses peines et ses regrets aussi. Théâtre Hébertot 17e
(01.43.87.23.23).
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