ELVIRE
Article
publié dans la Lettre n° 197
ELVIRE de Henry Bernstein. Mise en
scène Patrice Kerbrat avec Jean-Pierre Cassel, Caroline Silhol,
Anne Consigny, Philippe Magnan, Tristan Petitgirard.
Jean Viroy, avocat parisien, est l’archétype du français qui a réussi.
Egoïste et inconstant, il ne vit que pour lui. De son dernier caprice,
Claudine de Gaige, qu’il croit aimer, il exige le divorce pour l’épouser.
Mais, en cet avril 1939, sa vie va prendre une tournure qu’il ne
pouvait soupçonner. Une jeune femme se présente chez lui, apportant
une lettre d’un confrère juif polonais, qui le prie d’aider la messagère.
Elvire ne demande pas l’aumône, seulement de pouvoir rester à Paris
et à y travailler. Aidée par Jean et par André Cormagnin, photographe
et ami de jeunesse de Jean, Elvire voit ses voeux exaucés et s’installe
avec dynamisme dans sa nouvelle vie. Mais sous son apparente gaieté,
se cache une histoire, faite de souffrance et de malheur. Comme
la majorité des français à cette époque, Jean continue de mener
sa vie insouciante. Il ne perçoit pas le danger que représente l’Allemagne,
même après avoir « rattaché» l’Autriche et envahi la Tchécoslovaquie.
Cette « drôle de guerre » que tout le monde vit sans bien en comprendre
les conséquences, un homme pourtant s’en préoccupe. Henry Bernstein,
auteur de théâtre, écrit et monte Elvire le 31 janvier 1940.
« Elvire Siersberg est un personnage que nous n’oublierons plus
», écrit Colette le lendemain de la création de la pièce. Et pour
cause. D’une plume acérée, et avec une lucidité extrême, l’auteur
dévoile tout ce que la France ignore ou veut ignorer: les arrestations,
la torture, les camps d’extermination du régime hitlérien. L’avancée
allemande obligera le théâtre à retirer la pièce de l’affiche mais
personne ne pourra plus dire: « On ne savait pas ».
Si Henry Bernstein a écrit Elvire pour Elvire Popesco, cette
comédienne mythique ne devait avoir aucune difficulté à jouer ce
rôle difficile encore moins à se fabriquer un accent. Elvire est
une femme de tête qui, malgré un immense courage, a le coeur brisé.
Ce rôle convient merveilleusement à Caroline Sihol qui exprime tout
en nuances l’ambivalence du caractère d’Elvire, à la fois fort et
fragile, avec la pointe d’accent requise qui ajoute beaucoup à son
charme naturel. Jean-Pierre Cassel apporte ce qu’il a toujours montré
sur scène, une grande présence, une élégance, une diction parfaite
et une aisance que seul un grand talent procure. Philippe Magnan,
formidable, est très émouvant dans le rôle d’André, revenu de tout,
mais dont le coeur peut encore battre pour cette femme exemplaire.
Anne Consigny, lumineuse, parvient à être une Claudine mutine qui,
si de prime abord semble superficielle, saura révéler un véritable
tempérament. Mis en scène avec sobriété par Patrice Kerbrat et parés
d’un très joli décor, l’esprit et le travail de Henry Bernstein
sont remarquablement restitués. Une pièce exceptionnelle, à ne pas
manquer. Théâtre Marigny - Salle Popesco 8e (01.53.96.70.20).
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