ÉLOGE DE L'OISIVETÉ
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
342
du 11 juin 2012
ÉLOGE DE L'OISIVETÉ de et avec Dominique
Rongvaux, d'après Bertrand Russell. Mise en scène de Véronique Dumont.
Un intérieur très sobre, fauteuil, lampe, table et chaise. Sur un
pupitre, le portrait de celui qui accompagnera cette conversation
à bâtons rompus, Bertrand Russell. La référence est explicite par
le mimétisme qu'adopte alternativement Dominique Rongvaux, pipe,
lunettes sur le front. Nous voici conviés à une promenade en dilettantes,
du mathématicien philosophe Russell jusqu'à Denis Grozdanovitch,
sportif et hommes de lettres, en passant par La Fontaine ou encore
sa propre expérience d'ingénieur commercial reconverti dans le théâtre.
Déambulation verbale pleine d'humour et de légèreté apparente, qui
revisite l'aberration d'un monde qui, dans sa précipitation et une
logique absurde, corrobore chaque jour davantage l'étymologie du
travail, cette torture entretenue par les riches et entérinée par
les pauvres en victimes consentantes. Ah, dériver dans un temps
qu'on gagnerait autrement, se laisser aller au plaisir insigne de
la digression, accepter l'oisiveté, non comme la mère de tous les
vices de nos éducations castratrices, mais comme le lieu privilégié
de la contemplation, active et bénéfique, des joies de l'esprit
et du corps… ! Etre le savetier de La Fontaine, qui préfère
sa liberté à l'âpreté stérile et insensée du financier. Dominique
Rongvaux virevolte, sourit, converse avec le public, croque la pomme
du plaisir disert. Où s'arrête la référence érudite à ses auteurs
cités et commentés, où s'inscrivent ses propres choix de vie ? Est-ce
si important de le déterminer, puisque chaque spectateur fait son
miel personnel, en écho des aphorismes vitaux qui lui sont ainsi
offerts ? L'intelligence est au rendez-vous, d'autant plus qu'elle
s'assortit de l'ironie salvatrice.
Le temps a laissé sa pesanteur ou son hystérie à la porte du théâtre
et cette oisiveté est mère de toutes les vertus de la réflexion.
Et on s'empresse, dès la sortie, de se plonger dans la lecture de
Russell et de Grozdanovitch… Quel bel éloge de la vie ! Théâtre
de Belleville 11e.
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