L'ELEGANT PROFIL D'UNE BUGATTI SOUS LA LUNE

Article publié dans la Lettre n° 259


L’ÉLÉGANT PROFIL D’UNE BUGATTI SOUS LA LUNE de Jean Audureau. Mise en scène Serge Tranvouez avec Isabelle Gardien, Christian Cloarec, Yann Collette et Tania Torrens, Pierre Mignard, Anne Cressent, Clémence Larsimon, Dimitrios Koundourakis, et en alternance Jules Nguyen.
Le lit brillant et large de la Loire s’étire comme un long serpent paresseux sous la lune. Près de la rive, Gilles de Rais regarde les étoiles et leur reproche de le faire encore rêver. François Prelati, son intendant, tente de le raisonner tandis qu’une barque s’approche. Léonce le batelier et Agnès Marine, la pourvoyeuse d’enfant, surgissent alors, accompagnés d’un jeune garçon. Le petit Jean a une disposition exceptionnelle pour les rêves, d’où l’intérêt de Gilles. « Je veux cet enfant » dit-il, « je vous le livre » répond-elle. Séduit par la belle voiture, Jean se laisse confier sans crainte aux mains de l’ogre qui part avec sa proie. Agnès Marine et Léonce, son fils adoptif, distinguent au loin l’élégant profil de la Bugatti qui s’éloigne. Gilles tuera Jean comme tous les autres. Tandis que Pauline cherche vainement son fils, Lèva, la fille de Gilles, a compris qui était l’auteur de ces crimes, l’ogre de son enfance. Elle en mourra mais, auparavant, confiera son secret dans une lettre à Léonce, son amoureux. Viendra alors pour Gilles de Rais le temps du repentir, profondément atteint par la mort de sa fille. C’est l’aube cette fois qui en sera le témoin et la Loire le linceul. Sa vie durant Jean Audureau fut passionné par le personnage de Gilles de Rais. Il immortalisera cette passion dans sa dernière oeuvre avant de décéder en 2002.
La pièce est construite à la façon d’une tragédie antique dont le texte est à l’image du titre, beau et poétique. Selon Serge Tranvouez « la tragédie pour Audureau naît toujours d’un mensonge et de l’inadéquation perpétuelle entre le rêve et le réel ». Incapable de produire lui-même ses rêves, il ravit ceux des enfants qui, eux, les possèdent. Gilles de Rais, serial killer contemporain, est un monstre mais l’auteur ne le juge pas. Pour lui « il n’est pas au monde ». Dans la construction minutieuse de la pièce comme dans son style, on retrouve parfois des accents claudéliens. Le plateau du Vieux Colombier l’accueille grâce aux quatre espaces de l’oeuvre, la berge du fleuve, la clairière de la forêt, le parc ou la chambre du monstre, merveilleusement agencés par Jean-Christophe Choblet et Valérie Thomas. La mise en scène les exploite si bien que les comédiens s’en emparent et y évoluent avec un talent éblouissant. Séduits par la profondeur et la poésie du texte, les spectateurs s’embarqueront avec bonheur dans ce spectacle de deux heures. D’autres, moins réceptifs, s’ennuieront peut-être. Mais tous seront touchés par l’excellence de la mise en scène, de la scénographie et de l’interprétation. Théâtre du Vieux-Colombier 6e.


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