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 ELECTRE 
               Article 
              publié dans la Lettre n° 265 
               
 ÉLECTRE de Sophocle. Texte français 
              Robert Pignarre. Mise en scène et scénographie Philippe Calvario 
              avec Jane Birkin, Biyouna, Florence Giorgetti, Frédéric Andrau, 
              Jean-Claude Jay, Sophie Tellier, Jean-Edouard Bodziak, Philippe 
              Maymat, et le chœur des femmes. « Enfin tu peux le contempler l’objet de ton désir incessant ». 
              Le vieil homme s’adresse à Oreste, fils d’Agamemnon, qui revient 
              à Mycène, lieu de sa naissance. Devant lui se dresse le palais des 
              Atrides, où sa sœur Électre a pris soin de lui, avant de le confier 
              au précepteur qui l’a élevé loin du crime. Oreste revient châtier 
              les assassins de son père mais veut faire croire à sa mort car dit-il: 
              « En faisant courir le bruit de ma mort, j’assure ma vie ». Il s’éloigne, 
              laissant le soin à deux messagers d’aller porter l’urne censée contenir 
              ses cendres.
 Électre, désespérée, raconte le meurtre de son père par sa mère 
              Clytemnestre et l’amant de celle-ci. Autour d’elle le chœur des 
              femmes l’assiste. Depuis le jour où elle a fait fuir son frère, 
              elle attend son retour. Elle se sent elle-même en danger mais souhaite 
              assouvir sa vengeance. Chrysothémis, sa sœur, l’exhorte a plus de 
              sagesse et la prévient du danger qu’elle court. Sa rébellion ne 
              peut que lui nuire. Elle-même souffre mais se montre raisonnable. 
              Cette soumission révolte Électre. Elle ne veut en aucun cas composer 
              avec sa mère, concubine d’Egisthe qui règne aujourd’hui sur Mycène. 
              Elle les hait et si elle est encore leur esclave, c’est dans l’attente 
              du retour d’un Oreste vengeur. La sœur s’éloigne, la reine survient. 
              Le conflit entre les deux femmes est impitoyable. Électre lui assène 
              la cause de sa haine viscérale.Celle-ci lui rétorque qu’Agamemnon 
              n’avait pas hésité à sacrifier leur fille Iphigénie, sœur d’Électre. 
              Elle ne regrette rien. C’est alors que le précepteur s’approche, 
              se présente comme étranger, raconte la fin d’Oreste et annonce l’arrivée 
              de deux hommes portant les cendres. « Enfin je respire. Ma vie va 
              s’écouler en paix, libre de ces menaces », souffle Clytemnestre. 
              La douleur d’Électre est immense. Dévorée par sa passion de la vengeance, 
              elle décide d’accomplir elle-même le matricide. Oreste survient 
              alors et se fait reconnaître. En perpétrant ce crime odieux qui 
              est d’ôter la vie à celle qui la leur a donnée, ils assouvissent 
              une partie de leur vengeance. Reste Egisthe qui s'expliquera avant 
              de mourir: « J’ai tué ton père pour venger le mien ». Ce moment, 
              Électre l’aura attendu vingt-cinq ans. Pour Oreste, les tourments 
              ne sont pas encore clos.
 Pour mettre en scène l’œuvre de Sophocle, Philippe Calvario a joué 
              la carte de la rigueur. Ce travail est l’aboutissement d’une recherche 
              qu’il avait initiée avec Médée, continuée avec Richard III et Roberto 
              Zucco. Avec Électre, il referme le volet des guerres intestines 
              et des luttes de clans. La simplicité du décor et la clarté de la 
              scénographie permettent d’entrer dans l’intimité des personnages. 
              Sur la scène, le palais est une villa moderne et sans cachet, aux 
              portes coulissantes, donnant sur une terrasse aux bancs de pierre. 
              Au fond le ciel. Décor unique que modifieront subtilement les lumières 
              en fonction de l’action. D’ocre, la maison devient blanche lorsque 
              paraît Clytemnestre. D’un bleu pur le ciel deviendra rouge du sang 
              de la vengeance. Cette sobriété est aussi de mise dans les costumes 
              et l’interprétation. Si sa sœur et sa mère portent les robes qui 
              conviennent à leur rang, Électre, fille déchue et servante des lieux, 
              est presque en haillons tandis que le chœur des femmes, toutes de 
              noir vêtues, l’entourent. Leurs chants et la musique se fondent 
              étroitement dans l’action et mettent le texte en valeur. La mélopée 
              de Biyouna est particulièrement prenante par ses accents orientaux. 
              Le choix de l’actrice algérienne est judicieux car elle représente 
              effectivement le pont entre le chanté et le parlé, entre l’orient 
              et l’occident. Les comédiens sont remarquables. Malgré une posture 
              un peu raide, des gestes parfois saccadés, des yeux toujours plissés, 
              Jane Birkin apporte sa sensibilité et sa fragilité au personnage 
              phare de l’œuvre, cette Électre née autant pour l’amour qu’elle 
              ressent pour son frère que pour la haine qu’elle voue à sa mère, 
              sentiment qui exacerbe les pulsions les plus sauvages et lui fait 
              perdre toute lucidité. Toujours juste, jamais excessive, sa voix 
              sait doser le ton, les mots et l’émotion. Théâtre Nanterre-Amandiers, 
              Nanterre 92.
 
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