DOUTE

Article publié dans la Lettre n° 359
du 28 octobre 2013


DOUTE de John Patrick Shanley. Traduction Dominique Hollier. Mise en scène Robert Bouvier avec Josiane Stoléru, Emilie Chesnais, Elphie Pambu, Robert Bouvier.
Le doute est le thème du sermon que le Père Flynn consacre ce dimanche-là à ses ouailles. Vaste question. Qui à un moment de sa vie n’a pas douté ? Le prêtre, récemment muté, va et vient entre la paroisse, le presbytère et l’école Saint-Nicolas où il enseigne deux matières sensées façonner un esprit sain dans un corps sain : l’éducation religieuse et l’éducation physique. L’école est dirigée d’une poigne de fer par Sœur Aloysius. Entrée en religion après son veuvage, elle s’emploie sans état d’âme à donner une éducation qu’elle croit juste à une bande de gamins dont elle se méfie, surtout depuis qu’un enfant noir, le jeune Donald Muller, fréquente son établissement. Le doute ne l’effleure pas. Elle est convaincue que l’enfant de couleur sera tôt ou tard victime de brimades de la part de ses camarades. Elle l’a bien précisé à sœur James, la jeune professeure à qui elle a attribué la classe de quatrième où étudie l’enfant. Sa passion pour l’histoire et l’enthousiasme de sa jeunesse indisposent sœur Aloysius. Elle accable de conseils et de reproches la religieuse qui, bousculée dans ses certitudes, perd peu à peu ses repères. Le Père Flynn, attentif aux élèves et conscient du statut difficile de Donald au sein de l’école, a pris l’enfant sous son aile, lui permettant ainsi d’être enfant de chœur. Cet intérêt éveille les soupçons de la directrice. Un après-midi, Donald rentre bouleversé du presbytère. Ce comportement confié à sa supérieure, conforte immédiatement celle-ci dans ses doutes.
Le Père Flynn a certainement des intentions coupables. Elle décide de le manipuler afin qu’il avoue ses tendances pédophiles et quitte l’établissement. Elle convoque même la mère de Donald, femme de bon sens, qui malgré son pragmatisme, ne parvient pas à lui faire changer d’avis. Le Père Flynn se défend bec et ongles. Son sermon sur l’intolérance marque les esprits sauf celui de sœur Aloysius qui persiste et signe. Mais le doute insidieux finit toujours par atteindre tout esprit, même le plus étroit.
John Patrick Shanley puise dans ses souvenirs et dresse un tableau assez noir de l’ambiance de suspicion qui régnait dans les écoles catholiques où il a été élevé. Son texte fort et révélateur - excellent travail de traduction de Dominique Hollier - passionne dès les premiers mots. Le plateau trop exigu du théâtre est un défi pour la mise en scène et une entrave pour la scénographie mais n’empêche pas les quatre comédiens, portés par le texte, de jouer avec fougue et conviction. Confrontée à un monde froid et dur où les âmes des enfants devraient plutôt être élevées qu’étouffées, leur interprétation émouvante et juste est à saluer. Théâtre du Petit Hébertot 17e.


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