DOLORES CLAIBORNE

Article publié dans la Lettre n° 262


DOLORES CLAIBORNE de David Joss Buckley d’après Stephen King. Mise en scène Marie-Pascale Osterrieth avec Michèle Bernier, Frédérique Tirmont, Serge Riaboukine, Simon Bakhouche, Magali Woch, Alexandre Jazede.
Dolores a un prénom prédestiné. Des douleurs elle en a ressenties depuis ses 19 ans, lorsqu’elle a épousé Joe Saint George. Enceinte de quelques semaines, elle n’a pas eu le choix. Elle n’a pas trop regardé cette main au doigt de laquelle elle passait l’anneau, cette main qui allait s’abattre sur elle jour après jour. Elle s’est vendue pour pas cher. Cependant, si elle est là aujourd’hui devant le lieutenant Garret Thibodeau afin de faire sa déposition, ce n’est pas pour le décès de son mari vingt ans plus tôt, même si à Little Tall Island on ait jamais bien su si l’accident de Joe était réellement un accident, mais pour celui de sa patronne Véra Donovan dont elle est la gouvernante. Celle-ci serait tombée de son fauteuil roulant sur la terrasse. Dolores était présente. Garret, chargé de l’affaire de Joe il y a vingt ans, se demande si, là aussi, il s’agit d’un accident. Alors Dolores décide de tout « déballer ». Mais pour raconter la mort de Véra, il faut remonter à l’époque de celle de Joe, tombé ivre au fond d’un puits, un jour d’éclipse. Il avait osé toucher à ce que Dolores avait de plus précieux, sa fille Serena. L’amour d’une mère est capable de tuer bien plus que la haine. C’est ce que lui avait fait comprendre Vera lorsqu’elle lui avait demandé conseil. « Parfois il faut être une salope de haut vol. Parfois, être une salope, c’est tout ce qui reste à une femme pour survivre». Munie de ce viatique verbal, Dolores a fait ce qu’elle pensait devoir faire et c’est pourquoi aujourd’hui, s’il avait fallu, elle aurait fait par amour ce qu’elle fit autrefois par haine.
Les décors astucieux de Jacques Oursin nous transportent d’une scène à l’autre, du bureau de Garret à la masure des Saint George au bord de l’océan, de la belle demeure des Donovan au Ferry où Serena finira par confier à sa mère son lourd secret.
La pièce de David Joss Buckley se voit comme se lit le roman de Stephen King, avec avidité. L’entracte serait superflu s’il n’était nécessaire à Michèle Bernier. Sur scène de la première à la dernière seconde, elle est Dolores, se coulant comme la main dans un gant dans la peau de cette femme rude « au pittoresque langage provincial », façonnée et burinée par les vagues de l’océan impitoyable de la vie. Face à elle Frédérique Tirmont campe une truculente Vera, Magali Woch une bien émouvante Serena, passant de l’enfance à la jeunesse avec beaucoup de talent, tandis que Serge Riaboukine, Simon Bakhouche et Alexandre Jazédé interprètent avec brio, des rôles d’hommes peu flatteurs. Stephen King et David Joss Buckley brossent là de beaux portraits de femmes. Théâtre Bouffes Parisiens 2e.


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