DO,
MI, SOL, DO !
Article
publié dans la Lettre n° 257
DO, MI, SOL, DO ! De Paul Géraldy.
Mise en scène Régis Santon avec Rachel Arditi, Camille Cottin, Mélaine,
David Seigneur, Sacha Stativkine, Betty Nicolas.
Le mobilier qui se dessine sur la toile de fond rappelle joliment
celui du premier plan en tout point identique, fauteuils et tables
cossus d’une maison de thé. Michel vient d’entrer et s’assoit, fébrile,
près de la cabine du téléphone, ( excusez du peu, nous sommes en
1930 ), dans l’attente de l’objet de son émoi. Gabrielle survient,
glacée par l’hiver parisien. Elle est ravissante, la silhouette
à la mode. Elle s’inquiète, il la rassure: « C’est un petit thé
que j’ai découvert où il ne vient jamais personne ». Il est
cinq heures de l’après-midi, ils sont amants. Dépité, il n’a qu’un
quart d’heure à lui consacrer. Philosophe, elle en prend son parti.
Il est marié et Jacqueline, sa femme, ne doit pas découvrir leur
liaison. Elle est divorcée d’André, un mari qu’elle a trompé un
jour « par distraction ». Quelques mots d’amour, un baiser
volé, il la quitte à regret mais elle l’appellera ce soir, grâce
au code infaillible qu’ils ont imaginé ! Il s’éloigne, elle va téléphoner.
Arrive alors André. Il s’assoit, fébrile, près de la cabine du téléphone,
dans l’attente de l’objet de son émoi… Mais voici que Gabrielle
sort de la cabine. Stupeur, ils se sont bien connus autrefois. La
première gêne passée, ils échangent quelques nouvelles. André lui
avoue qu’il attend une femme, elle est mariée. Il se veut discret
mais elle a vite compris qui elle est. Alors elle s’éclipse car
la voici qui vient, glacée par l’hiver parisien, ravissante, la
silhouette à la mode. Elle s’inquiète, il la rassure : « C’est
un petit thé que j’ai découvert où il ne vient jamais personne
». Jacqueline s’assoit. Dépitée, elle n’a qu’un quart d’heure à
lui consacrer…
Entre la maison de thé, la chambre à coucher ou la salle de bal,
cette ronde de l’amour entre deux couples, légitimes ou non, nous
la devons à Paul Géraldy (1885-1983), auteur de dix-sept pièces
de théâtre, de deux romans et surtout de Toi et moi, un recueil
de poèmes qui l'a rendu célèbre auprès de ses contemporains. Témoin
lucide et habile de son temps, il excelle à ciseler un texte aux
répliques piquantes et pleines d’humour. Quatre personnages, pris
à leur propre jeu, se retrouvent dans des scènes similaires ou complémentaires,
face au désir d’être aimés « comme l’imprévu, pas comme l’attendu
» ou, plus simplement, parce qu'ils adorent « les situations
nettes ». La pièce, sous son apparente légèreté, décrit avec
beaucoup de finesse les rapports complexes entre les hommes et les
femmes de ces années trente, l’incompréhension du cœur féminin pour
ceux-là et l’avantage qu’en tiraient celles-ci, tentant de louvoyer
dans le carcan des conventions sociales. Elle souligne aussi avec
acuité cette soif de plaisirs, caractéristique de l’entre deux guerres,
chacun désireux d’oublier les années noires de la précédente et
pressentant déjà obscurément sans doute, la tragédie de la suivante.
Régis Santon profite à plein de la construction savante de la pièce,
mettent bien en relief ses ressorts et son rythme, ne laissant aucun
répit ni aux spectateurs séduits par ce marivaudage subtil, ni aux
comédiens dont les rôles ne sont pas de tout repos. Sur la scène
un peu trop spacieuse du théâtre Monfort, ils recréent avec art
ce moment délicieux de l’amour et de ses hasards. Théâtre Silvia
Monfort 15e.
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