DIS-LEUR QUE LA VERITE EST BELLE

Article publié dans la Lettre n° 313


DIS-LEUR QUE LA VÉRITÉ EST BELLE. Texte et mise en scène Jacques Hadjaje avec Isabelle Brochard, Sébastien Desjours, Anne Didon, Anne Dolan, Guillaume Lebon, Delphine Lequenne, Laurent Morteau.
Oui, sa mère était une menteuse, comme toutes les mères, parce qu’elle avait oublié de lui dire qu’elle mourrait un jour !
Au bord de sa tombe, Albert, quinquagénaire rêveur et fragile, est au bord des larmes, au bord des photos jaunies, des souvenirs, de sa fille qu’il connaît si peu.
Dans une suite de saynettes qui jalonnent son passé, de la circoncision à Alger jusqu’au deuil à Créteil, il sera le témoin attendri et nostalgique d’une truculente galerie de portraits de la saga familiale. Scènes d’un passé revivifié dont il va transmettre la mémoire à Cécile, sa fille très américaine que les circonstances funèbres lui permettent enfin de découvrir, qui le bouscule avec la tendresse juvénile d’une fille qui elle aussi s’attendrit de ce père naïf et si peu adapté à la vie.
Tous tournent autour de lui qui tourne autour de sa feuille à dessin. Partout le crayon à la main, les pieds nus dans le sable, la tête dans ses rêves, il dessine depuis l’enfance, s’invente un univers de BD, où batifole ce Spirit caricatural qu’il partage avec le cousin Georges, autre handicapé de la vie.
Sur fond de guerre d’indépendance de l’Algérie, puis dans l’exil pluvieux et pauvre du grand nord banlieusard, dans la famille Chouraki, il y a la mère, Aimée, et ses sucreries et ses certitudes et ses angoisses de mère juive. Il y a le père, Gaston le roi de la galéjade, inoxydable groupie de Charlie Parker et autres jazzmen, joyeux et menteur par tendresse du monde. Il y a la sœur aînée, Brigitte, adolescente un peu jalouse de ce petit frère Albert qui prend en toute innocence tant de place, puis jeune femme libérée du carcan familial. Il y a Georges l’amoureux transi et si gauche. Amoureux d’Arlette, venue de France par conviction pédagogique, mais pas juive ! Et l’amie Olga, avec ses rêves de midinette de Cinémonde, épousera sans conviction le boucher Désiré, qui la couvre de cadeaux mais « qui sent ! », parce que son amant tellement marié ne convolera jamais avec la fautive… et qu’il faut bien faire une fin honorable. Et puis, il y a Leïla, la Shéhérazade du petit Albert, celle qui sort toujours de sa parole magique un nouveau conte pour son tendre ami, Leïla qui restera en terre arabe… Un demi-siècle de rires, danses et autres voltiges jazzy dans l’espace mental et physique, passé et présent, d’Albert. Entre rires et larmes, entre fêtes de la tradition et chaos de l’imprévu si douloureux. Si la maison d’Aimée, « où l’amour est obligatoire » se clôt, au-delà du deuil s’ouvre l’embellie d’un père et de sa fille. Albert et Cécile.
Les sept acteurs jouent remarquablement, avec vivacité et musicalité, dans l’espace de ces voiles qui enserrent avec souplesse la mémoire enfin assumée.
Vous reprendrez bien un peu de makrouds ? Théâtre du Lucernaire 6e. A.D.


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