LE DINDON

Article publié dans la Lettre n° 349
du 21 janvier 2013


LE DINDON de Georges Feydeau. Mise en scène Hélène Lebarbier et Vica Zagreba avec Vahid Abay ou Aurélien Osinski, Jean Barlerin, Léonard Cortana, Perrine Dauger, Aurélia Decker, Céline Hilbich, Laure Portier, Sébastien Rajon, Clément Vieu. Et les musiciens, Steeve Barré, Fabien Bucher, Marine Goldwaser, Aline Haelberg, Stélios Lazarou, Elodie Messmer.
Je jure que je te tromperai si jamais tu me trompes !!! Comment imaginer que le falot Vatelin puisse être adultère, avec une épouse aussi ravissante et possessive ? Il est, semble-t-il, prédestiné à être le dindon d’une farce survoltée où, entre faux rendez-vous, portes qui claquent, lits résonants et valises volatiles, les époux sont blasés et cyniques sur le mariage, tandis que leurs femmes, légitimes ou passagères, ont une conception mouvante et vindicative de la vertu. Nulle illusion à se faire sur la fidélité conjugale !
Pontignac poursuit Lucienne, qui se donnera à Rédillon si jamais son Vatelin d’époux la trompe … avec la so british et volcanique Maggy, dont le mari Soldignac, un peu marseillais sur les bords, court après les demi-mondaines. Le seul vrai célibataire, et amateur de jupons, Rédillon, malencontreusement harassé par d’autres frasques nocturnes, se verra finalement privé de la bonne fortune tant attendue. Prédateurs suffisants et amèrement lucides, domestiques blasés devant cette pagaïe désopilante, femmes hystériques et vengeresses, l’univers de Feydeau serait acide s’il n’était aussi déjanté !
De la course vaudevillesque, si éculée et artificielle, des hypocrisies petites-bourgeoises, le tout, pour Feydeau, est de donner à rire, sans lésiner sur les défis de maris trompeurs et ridicules, les grivoiseries et autres bizarreries de langage, le chantage au suicide, la valse des paravents. Les mâles seront abusés par leurs femelles respectives, les fines mouches. Les couples sauveront leur légitimité apparente. Le rire n’a ni le temps ni le souffle de se faire grinçant !
Dans cette comédie de la poursuite et du mouvement, les portes sont reines et, réduites au strict chambranle, autorisent l’absurdité hilarante des gesticulations et des regards en coulisses. Les acteurs y mènent une sarabande, tout en souplesse et caricature gestuelle et verbale, fort divertissante. L’originalité de cette mise en scène tient aussi à la musique virevoltante. Le Dindon version klezmer-tzigane ! Les six musiciens, excellents, sont intégrés au jeu des acteurs, témoins omniprésents en nomades de campement, en hôtes masqués et exaspérés des débordements adultères, voire en abat-jour… Et leur rythme entêtant scande avec jubilation les culbutes et autres souples galipettes.
Qui sera le dindon ? Sûrement pas le public, car la farce est délicieuse ! Théâtre 13/Jardin 13e. A.D.


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