LES DIABLOGUES

Article publié dans la Lettre n° 277


LES DIABLOGUES. Textes de Roland Dubillard. Mise en scène Anne Bourgeois avec Jacques Gamblin, François Morel.
L’univers de Roland Dubillard est celui d’un philosophe de la quatrième dimension. Cet univers ressemble au nôtre, mais il n’est pas tout à fait pareil. Tout est décalé dans ce monde parallèle. La langue parlée ressemble beaucoup au français mais possède une syntaxe à qui on a donné un coup de coude aux lettres et au sens. Ainsi « dialogue » devient « diablogue ». Ce monde est peuplé d’animaux extraordinaires tels le « gobe-douille » que vous ne verrez pas car il est en voie d’extinction, mais nous le citons pour le plaisir, et la « limande des neiges », superbe animal, mais un peu timide, qu’il faut savoir apprivoiser. Les préoccupations des « diablogueurs » sont vastes et variées. Ils connaissent l’importance du goutte à goutte, attention pas n’importe lequel, celui de Besançon, bien sûr ! Quand on parle le Dubillard sans peine, on est sportif. Le sport est le taping-tapong qui se joue tous les cinq ans. Pas plus, pas moins. La musique, bien sûr, nous accompagne. Faut-il vraiment vous présenter le concerto pour placard ?
Les hommes de Dubillard ont une logique imparable qu’ils étirent jusqu’à l’absurde. Ils grattent le sens jusqu’à l’os. Ils raisonnent en faisant résonner les mots, les retournant comme un gant. Pour voyager dans ce monde de l’intelligence et de l’humour, Roland Dubillard a trouvé en Anne Bourgeois le Cicéron inspiré qui ouvre la voie de cet univers qu’elle connaît comme sa poche. Dubillard avait écrit « les Diablogues » pour la radio. Certains sketchs furent très souvent repris comme celui de la vieille tragédienne. Anne Bourgeois a choisi des dialogues moins connus, devant faire un choix drastique. Le spectacle dure 1h30, on en redemande. Anne Bourgeois est une magnifique directrice d’acteurs, une dompteuse d’hommes. Elle a réuni un casting normand, Jacques Gamblin et François Morel. Ces deux comédiens ont leur propre univers, ils écrivent et ils chantent. Ils sont ici d’une élégance redoutable, comme des jumeaux qui échangent leur place. Ces équilibristes de l’absurde décortiquent ces textes avec une ivresse communicative. La mise en scène d’Anne Bourgeois est un chef d’œuvre d’humour et de subtilité, de petits détails, d’écoute en coin. Gamblin et Morel, serrés l’un contre l’autre sur un globe terrestre trop petit et perdu dans une galaxie à droite de la constellation des chiens de conserve, sont les duettistes de l’humour à pointe non mouchetée et nous touchent en plein cœur. Théâtre du Rond Point 8e.


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction