LA DETTE

Article publié dans la Lettre n° 241


LA DETTE de Stefan Zweig. Adaptation et mise en scène Didier Long avec Magali Noël, Jean-Pierre Bernard, Andrée Damant.
Maîtresse de maison, maîtresse de ménage, c’est cela qu’elle retient après tant d’années de mariage, cette lassitude inhérente à chaque femme au foyer qui après avoir élevé ses enfants et servi son mari aspire à la quiétude et au repos que seul un moment de solitude saura lui donner. Quinze jours dans cette auberge perdue, elle a peine à y croire lorsqu’elle range avec délectation dans sa chambre les livres qu’elle a apportés et qui l’absorberont sans être dérangée. Pour le dîner, elle revêt cette robe bleue qu’elle portait déjà jeune fille lorsqu’elle était tombée amoureuse d’un comédien. Trop voyante pour cette auberge, elle regrette de l’avoir mise lorsqu’elle se met à table. Dans un coin de la salle, un homme soliloque dans l’indifférence générale puis s’adresse à elle d’une voix trop forte.Tout d’abord agacée, elle finit par reconnaître en lui le comédien qu’elle a aimé quarante ans plus tôt et pour lequel elle aurait tout quitté s’il l’avait voulu. Il l’avait éconduite avec élégance, elle se rend compte à quel point cela lui fut précieux pour garder le respect de la société et lui permettre de faire un mariage d’amour. Elle lui doit cela et cette dette qu’elle pense avoir à son égard, elle va la lui payer de retour en lui rendant le respect des autres et, par la même, sa dignité. Le rôle principal, c’est elle qui le tient aujourd’hui, il est difficile, car le pauvre hère qui lui fait face, entache le souvenir ébloui de l’autre.
Ce roman de Stefan Zweig permet à l’auteur d’exprimer son amour pour le théâtre mais aussi d’explorer l’âme et le coeur de deux êtres qui auraient pu avoir une histoire ensemble mais que tout oppose et qu’un soir remet en présence. Didier Long met remarquablement en relief ces aspects dans son adaptation. Sa mise en scène et les décors en sont le prolongement efficace. Il offre là un fort joli rôle à Magali Noël qui exprime bien les sentiments de cette femme mûre qui sait tirer intelligemment les leçons de sa vie. Jean-Pierre Bernard est parfait en vieux comédien déchu et Andrée Damant contribue de sa présence discrète à animer avec doigté ce duo que l’on a plaisir à revoir. Théâtre 14 Jean-Marie Serreau 14e.


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction