DERNIER COUP DE CISEAUX

Article publié dans la Lettre n° 328
du 13 juin 2011


DERNIER COUP DE CISEAUX de Marilyn Abrams et Bruce Jordan. Adaptation Sébastien Azzopardi et Sacha Danino. Mise en scène Sébastien Azzopardi avec Romain Canard, Domitille Bioret, Réjane Lefoul, Yan Mercoeur, Bruno Sanches, Olivier Solivérès.
Vêtu d’un mini short et d’un tee shirt jaunes et chaussé de baskets assorties, Romain Canard semble tout droit échappé du quartier du Marais… Son salon de coiffure très tendance, accueille la faune huppée du VIIIe arrondissement. Pour lui le XVe c’est déjà la banlieue, voire la campagne. Réjane Lefoul, son employée, jolie jeune femme aux formes généreuses mais fortement handicapée par une dyslexie récurrente, (on ne peut pas tout avoir), s’active au son d’une musique disons… envahissante. Un client se profile. Bruno Sanches, à en croire ses gestes, souhaite une coupe de cheveux. Réjane s’empresse de prévenir son patron. Mais celui-ci est particulièrement indisposé par les répétitons quotidiennes de la pianiste de l’appartement du dessus dont les goûts musicaux sont aux antipodes des siens. Quelque peu interloqué par l’ambiance du salon survoltée par la musique, et par les pas de danse du figaro, Bruno est installé au bac. Il apprend à ses dépens que Romain ne vise pas très bien avec la douchette lorsqu’il est énervé et qu’il décoiffe plutôt qu’il ne coiffe. Survient alors Olivier Solivérès, casque de chantier, gilet fluo et bac à outils à la main. Lui, aime vivre dangereusement : il souhaiterait qu’on lui fasse la barbe. Grande joie de Romain qui n’a pas manié le rasoir depuis quelque temps. Il a toutefois un problème: la vue de la moindre goutte de sang le met dans un état proche de la syncope… La musique est encore omniprésente lorsque surviennent Yan Mercoeur, costume cravate, attaché case, qui semble avoir avalé un parapluie,bientôt suivi de Domitille Bioret, personne sur le déclin, lestée par moult paquets Dior et autres marques tout aussi bon marché. Les dialogues devenant plus audibles, le public apprend alors pas mal de petites choses dans la foulée : une dinde cuit au premier étage chez Romain pour la fête costumée du soir, la pianiste est la propriétaire de son salon et de son appartement, Domitille Bioret est kleptomane, Yan Mercoeur n’est pas là par hasard. Quant à Bruno et Olivier, ils ne sont pas du tout ce qu’ils laissent croire. A l’étage, le piano est brusquement devenu silencieux. C’est normal, l’artiste vient d’être assassinée à l’aide de l’instrument privilégié de tout coiffeur… Ce dernier coup de ciseaux axe la pièce sur une intrigue policière. Qui parmi les personnages présents avait intérêt à voir la victime disparaître au point de la trucider ? Le public, sollicité, se met alors à jouer les Hercule Poirot. Reconstitution, interrogatoire serré sont menés de main de maître...
Ce spectacle interactif, créé autour d’une enquête policière par le psychologue allemand Paul Pörtner afin d’analyser les réactions des spectateurs, a été adapté pour tout public en 1978 par Marilyn Abrams et Bruce Jordan. Inscrite dans le Guiness Book pour être à la première place des pièces le plus longtemps jouées aux Etats-Unis, elle a été donnée partout dans le monde, sauf en France.
Sébastien Azzopardi et Sacha Danino s’empressent de rectifier cet oubli avec leur ingéniosité coutumière et un talent aussi vif que pour Le Tour du monde en 80 jours et Mission Florimont. Leur imagination fait merveille car la pièce, par son interactivité, se modifie chaque soir en fonction des réactions de la salle. Les comédiens, stimulés par des spectateurs enquêteurs très impliqués, anticipent leurs réactions et répondent à la salve de questions avec une formidable énergie. Un spectacle très rythmé, aux répliques drôles et pleines d’humour, pour certaines calquées sur l’actualité. Théâtre des Mathurins 8e.


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