LA DERNIÈRE NUIT DE SAND ET MUSSET

Article publié dans la Lettre n° 325
du 11 avril 2011


LA DERNIÈRE NUIT DE SAND ET MUSSET de Marie-Françoise Hans. Mise en scène Jean-Luc Moreau avec Gaëlle Billaut-Danno et Xavier Clion.
Un gigantesque lit au centre de la scène. Comme un ring, où vont effectivement s’affronter les amants terribles. Elle, George Sand, fine, intelligente, vive, oscille entre attendrissement et exaspération, entre désir d’apaisement et crispations d’indignation. Lui, Alfred de Musset, son très jeune amant pétri d’une jalousie morbide qu’attise sa soûlographie notoire, ne maîtrise pas cette passion malsaine qui le tenaille à la limite du meurtre. On sent qu’elle a déjà vécu, souffert, qu’elle paie cher cette liberté durement conquise et qu’elle ne la remettra pas en question, fût-ce au prix de la rupture définitive. Liberté d’épouse que la conjugalité ennuyait à périr, d’amante que n’effraie pas la facile santé des corps, de mère que terrifie la privation de ses enfants, de femme porteuse de toutes les femmes, de leur noblesse douloureuse, de leur sort peu enviable au nom desquels elle se bat bec et ongles. Alors elle écrit, dès que le sommeil de son amant lui en laisse le loisir. Il dort, boit, séduit, agresse, menace, violente. Elles sont loin, leur Venise amoureuse et ses promesses d’une échappée qui ne fut pas si belle. Maladies alternées, tromperies diverses ont laissé les amants exsangues et cette dernière nuit d’éventuelle réconciliation à Fontainebleau sonnera le glas d’une épuisante passion. Non sans que le règlement de comptes n’ait été total. Comme s’il fallait purger jusqu’à la lie les affres ravageurs de cet amour désormais intenable. Sa maturité maternelle la rattrape, avec la conscience d’une folie qui va jusqu’au sacrifice de la féminité de sa chevelure, jusqu’à un ultime acquiescement avant la fuite salvatrice. Face à lui, l’enfant gâté et capricieux se complaît dans le faux aveu et la vraie folie, la torture d’une destruction qui l’amuse tout en le minant. Et il s’endort…
Au mitan du lit, Gaëlle Billaut-Danno déjoue les assauts de Xavier Clion, entre caresses de désir et ressassement nauséeux de la jalousie. Du déshabillé au progressivement revêtu, de la violence des mots jusqu’au silence du départ final, ils incarnent avec pudeur et provocation le crescendo chaotique du désamour. Théâtre du Petit Saint-Martin 10e. A.D.


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