LE DERNIER BAISER DE MOZART

Article publié dans la Lettre n° 399
du 19 septembre 2016


LE DERNIER BAISER DE MOZART d’Alain Teulié. Mise en scène Raphaëlle Cambray avec Delphine Depardieu, Guillaume Marquet.
Vienne, décembre 1791, la dépouille de Wolfgang Amadeus Mozart vient d’être jetée dans une fosse anonyme mais sa présence est encore palpable lorsque Constance, seule dans l’appartement déserté, accueille Franz Xaver Süssmayr, le collaborateur de son mari. La disparition prématurée de « Wolfi » la laisse inconsolable, avec deux enfants en bas âge, aux prises avec des problèmes financiers. Elle a préparé une lettre à l’intention de l’Empereur Frédéric-Guillaume II dans l’espoir que celui-ci fasse un geste en sa faveur. « Être pauvre quand on est célèbre, et qu’on a du talent, c’est si absurde… Et c’est humiliant ! », résume-t-elle. Ensemble, ils se souviennent avec amertume. Elle de la famille de Wolfang qui l’accueillit si mal, de l’amour qui les tint soudés envers et contre tout. Lui remémore le travail acharné aux côtés d’un artiste qui ne cessait de lui assener moqueries et quolibets blessants. La soirée commencée dans le calme dégénère entre ces deux personnalités. Ils en viennent à s’affronter, l’un rapportant des commérages entendus ça et là, l’autre ripostant avec vigueur. Puis, ils évoquent le fameux Requiem dont Mozart avait commencé la composition sur commande. Constance considère l’œuvre comme responsable de la mort de son mari. Franz Xaver tente de la détromper. Wolfgang en avait tracé la route, ils doivent la poursuivre. Il faut honorer la commande « pour le Comte Von Walsegg, parce qu’il l’attend, et qu’il a déjà payé… Pour Mozart, car il s’y était engagé ». Franz Xaver propose de s’atteler à la tâche, le tout est de la convaincre. Après une dernière algarade pour le faire rager, Constance se laisse émouvoir par le dernier « beau calcul » qu’il lui expose avec transport. Puis la conversation prend un tour plus intime. Elle le provoque jusqu’au bout mais ils scelleront d’un commun accord le sort du Requiem.
Alain Teulié a fait un véritable travail de recherche pour évoquer les heures qui suivirent la mort de Mozart marquées par la présence de Franz Xaver chez Constance et imaginer les propos échangés, chacun emporté par son tempérament. Les dialogues ciselés nous transportent dans la capitale autrichienne, dans une société où la médisance faisait battre des montagnes, où les artistes étaient enterrés à la sauvette, où nulle tombe venait marquer leur passage sur terre, où les veuves ne pouvaient compter sur quiconque pour les assister, elles et leurs enfants, quand la mort n’avait pas encore fauché ceux-ci. L’interprétation de Delphine Depardieu et de Guillaume Marquet subjugue un public pris par l’émotion. Ils reçoivent une ovation amplement méritée. Petit Montparnasse 14e.

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