DEJEUNER CHEZ WITTGENSTEIN
RitterDeneVoss

Article publié dans la Lettre n° 213


DEJEUNER CHEZ WITTGENSTEIN RitterDeneVoss de Thomas Bernhard. Mise en scène Hans-Peter Cloos avec Catherine Rich, Edith Scob, Pierre Vaneck.
Elles ont ouvert de part en part les portes de la maison de famille pour accueillir le retour de Voss leur frère. Une maison d’industriels cossue où les housses cachent le cristal des lustres et les tissus coûteux. Pendant que Dene, l’aînée, s’active, Ritter la cadette lit le journal, indifférente à l’agitation fébrile de sa soeur. Si Dene a imposé le retour de Voss, Ritter voulait qu’il reste à l’asile psychiatrique où le philosophe rebelle était sensé finir ses jours. Possessif et vindicatif, ce dernier fait tourner Dene en bourrique. Il en profite car il sait qu’elle l’adore. Tout en préparant la table pour le repas, la conversation des deux soeurs tourne autour des aléas de leur vie. Toutes les deux comédiennes, on finira par découvrir les raisons de carrières pour le moins originales. A l’évocation du passé se mêle celle d’un présent désenchanté. Peu à peu la personnalité des deux femmes se dessine avec ses défauts, ses frustrations, ses aigreurs. Comme toutes les aînées, Dene est raisonnable, responsable, discrète. Comme la plupart des cadettes, Ritter est révoltée, bouillonnante, opportuniste. Enfin le frère s’assoit. Le duo devient un trio. Les échanges se font plus acerbes. Voss se déchaîne. Vient alors en mémoire la célèbre apostrophe d’André Gide: « Familles! je vous hais!» qui pourrait être complétée par: « Société! je vous hais! ».Critiques, reproches et vexations, sont l’écho d’un égarement définitif.
A l’instar du personnage de Voss, Thomas Bernhard fut lui aussi un révolté contre la société autrichienne dont il n’acceptait ni les orientations politiques, ni le conformisme. Si dans la plupart de ses pièces la politique est omniprésente, dans RitterDeneVoss dominent le refus de s’intégrer dans une société détestée, et l’obsession de la maladie et de la mort.
Hans-Peter Cloos réussit à rendre accessible et attrayant un texte difficile où des moments d’ennui en côtoient d’autres, brillants et pleins d’un humour caustique. Il dirige avec talent trois comédiens d’exception, époustouflants dans le rôle qui leur est dévolu et qui leur correspond parfaitement. Athénée Théâtre Louis-Jouvet 9e.

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