DE SI TENDRES LIENS de Loleh Bellon.
Mise en scène Jean Bouchaud avec Annick Blancheteau, Marianne Epin,
Thierry de Carbonnières.
De si tendres liens sont ceux qui unissent Charlotte et Jeanne,
une mère et sa fille unique. Charlotte a vécu trop jeune un amour
qui a eu pour conséquences la naissance d’une petite fille puis
un divorce. Elle a reconstruit sa vie entre son travail et sa fille.
Pierre viendra un instant troubler ce tête à tête avant l’arrivée
de la guerre qui a défait tant de couples. Jeanne a vécu comme tous
les enfants de parents séparés. De son enfance, elle ne se souvient
que des soirées passées seule chez elle ou des vacances chez son
père remarié, vacances qu’elle passait toujours sans sa mère. Elle
se souvient aussi d’une immense solitude. Si Charlotte pensait n’avoir
vécu que pour sa fille, au point de lui sacrifier un second bonheur
conjugal, celle-ci ne se souvient que de ses absences. Les reproches
de l’une ne trouve comme écho que l’incompréhension de l’autre.
La pièce de Loleh Bellon, écrite en 1984, est un voyage en un seul
acte au coeur de la mémoire de Jeanne. Une chambre, un lit, un fauteuil
sont le lieu et les accessoires de cette vie à deux où chacune a
ses propres souvenirs qui ne sont pas toujours ceux de l’autre,
tranches de vie des années 25 aux années 80 dont on sent le vécu,
l’autobiographie.
Annick Blancheteau, la mère, Marianne Epin, la fille, naviguent
merveilleusement dans ce voyage intérieur et immobile, duo d’amour
et de tendresse partagés mais aussi de reproches et de regrets.
Elles mettent particulièrement bien en valeur les rapports si complexes
mère-fille avec ce qu’il y a de fascination et de rejet. Thierry
de Carbonnières interprète bien les rôles difficiles de l’intrus,
(espoir de bonheur pour Charlotte mais importun à écarter pour Jeanne),
puis le mari de Jeanne avec lequel Charlotte devra composer.
Ironique, tendre et lucide, la pièce de Loleh Bellon nous renvoie
à nous-mêmes et à notre propre vécu. Dans la salle, on souffle:
« comme cela est juste ». M-P.P. Théâtre Mouffetard 5e.