LA CUISINE D'ELVIS

Article publié dans la Lettre n° 219


LA CUISINE D’ELVIS de Lee Hall. Traduction Frédérique Revuz et Louis-Charles Sirjacq. Mise en scène Marion Bierry avec Marie Ballet, Marina Moncade, Eric Verdin, Jean-Pierre Kalfon.
Le père, la mère, la fille, une petite famille londonienne qui pourrait ressembler à bien d’autres mais qui, pourtant, n’est pas comme les autres. Dad, rescapé par miracle d’un accident de voiture, est tétraplégique, enfermé dans un monde à lui, celui qu’il s’était créé juste avant l’accident, celui d’une gloire éphémère lorsqu’il « faisait» Elvis Presley, dont il avait revêtu le costume et repris le micro. Mam, la quarantaine aguichante, exhibe ses appâts et jette ses derniers feux pour satisfaire ses ardeurs. Jill, la fille, 15 ans, un rien grassouillette, est certaine que son dad, le légume, sortira un jour de sa léthargie. C’est pourquoi elle lui parle, même s’il ne réagit pas. Elle rêve d’être chef cuisinier et élabore des plats, normaux ou curieux selon son humeur. Les relations mère-fille, faites d’affection mais aussi de jalousie, sont tumultueuses. C’est dans ce huis-clos familial, loin d’être modèle, que va entrer Stuart, pâtissier industriel, à la faveur d’une aventure qu’il croyait sans lendemain.
La pièce de Lee Hall appartient à un registre particulier, entre théâtre et spectacle musical, avec une intrigue et des personnages bien dessinés dont le point commun est la recherche du bonheur à travers l’amour, crépusculaire pour la mère, naissant pour Jill, aventureux pour Stuart. Dans son désir de créer un théâtre réaliste, l’auteur ne recule devant aucun excès pour rendre plus vraie que nature la vie des quatre personnages basée sur le sexe, la bouffe et la musique. Il laisse une grande place aux activités culinaires qui rappellent parfois la truculente originalité du film de Peter Grenaway le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant. Le rythme soutenu de la mise en scène ainsi que l’agencement inventif du décor exploitent les situations cocasse, souvent crues sans pour autant tomber dans la vulgarité. Les comédiens tiennent leur rôle avec une formidable conviction. Marie Ballet, Jill époustouflante, a une belle carrière devant elle, Eric Verdin est excellent. Quant à la prestation remarquable et remarquée de Jean-Pierre Kalfon, elle mérite à elle seule le déplacement. Théâtre de Poche 6e (01.45.48.92.97).


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction