LES COQUELICOTS DES TRANCHÉES
Article
publié dans la Lettre n° 375
du
8 décembre 2014
LES COQUELICOTS DES TRANCHÉES de Georges-Marie
Jolidon. Mise en scène Xavier Lemaire avec Bérengère Dautun, Sylvia
Bruyant, Christophe Calmel, Marion Champenois, Eva Dumont, Franck
Jouglas, Céline Mauge, Didier Niverd, Manuel Olinger, Thibault Pinson,
Vincent Viotti, Philippe Weissert.
Aurait-elle souhaité un anniversaire moins entaché de massacres,
la douairière du domaine, Dame Gertrud ? A coup sûr, pourrait-on
fêter dans une joie naïve ce 11 novembre 1918, qui sonne l’issue
de la Grande Tuerie, de la Der’ des Ders, de la sinistre mangeuse
d’hommes qui a si stupidement décimé chaque famille française et
allemande, sans compter les renforts collatéraux d’outre les mers
? Autour de la figure tyrannique de cette Alsacienne vindicative
et revancharde, la vie et la mort mènent leur danse enlacée, les
jeunes hommes tombent au champ d’horreur, les veuves pleurent et
renaissent à l’amour, le corps médical tente l’impossible, le pardon
est en filigrane.
De ces quatre années d’une gigantesque boucherie tissée d’héroïsme,
de bêtise, d’incompétence fanfaronne, de cynisme macabre, de rires
salvateurs, cette fresque montre en plans alternés combien la vie
est tenace, au-delà du désespoir et du deuil. Et la force de cette
farandole est de donner à voir que la guerre n’est pas simple affaire
de combats virils, mais que les femmes sont le champ de bataille
de l’arrière. Dans une métaphore rurale et efficace, la terre s’ensemence
sombrement du sang des tués, au combat ou pour l’exemple, tout comme
l’inexpugnable vitalité de la jeunesse sèmera l’espoir à naître
et le possible apaisement.
La mise en scène, étonnamment rapide et servie par douze acteurs
intelligemment en mouvement, s’anime autour de deux lieux mis en
regard par les courriers échangés, par le lit et la table qui se
font tranchée de mort, brancard de souffrance, divan de plaisirs
tarifés ou lieu des retrouvailles de la tendresse. Et les changements
de décor des 22 tableaux en répons s’ancrent, par les acteurs eux-mêmes,
dans les trois piliers de la vie et du sacrifice, salle à vivre
du domaine, campements de fortune, tranchées de l’absurde. Cimetière
des corps et des illusions, école de la tendresse et du renouveau.
Par ce spectacle pertinent, vivant et salutaire, le théâtre prouve
une fois de plus sa vocation de passeur de mémoire. A.D. Théâtre
14 14e. Pour
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