CONVERSATIONS
AVEC MON PERE
Article
publié dans la Lettre n° 198
CONVERSATIONS AVEC MON PERE de Herb
Gardner. Adaptation française Jean-Claude Grumberg. Mise en scène
Marcel Bluwal avec Claude Brasseur, Serge Hazanavicius, Arthur Dupont,
Maurice Chevit, Denise Chalem, Louise Vincent, Henri Lambert, Philippe
Sejourne, Franck Olivier Bonnet, Benjamin Feitelson, Erwan Daouphars.
Itzhak Goldberg a perdu toute sa famille durant le pogrom d’Odessa.
Emigré aux Etats-Unis, il s’est installé à New-York avec sa femme,
où il a ouvert un bar dans un quartier populaire. Le 4 juillet 36
n’est pas seulement pour lui la célébration de la Fête Nationale
de ce pays d’adoption auquel il veut à tout prix s’intégrer, mais
aussi celui d’un nouveau départ dans sa vie: Le gouvernement vient
de lui accorder le droit de porter un autre nom. Désormais, il sera
Eddie Ross.
Trente ans plus tard, dans le café fermé, Charlie, son fils cadet,
se souvient. Il avait alors deux ans ce 4 juillet 36. Il évoque
l’acharnement de son père à oublier ses origines afin de devenir
un véritable américain, ses difficultés à animer son bar dont il
changera plusieurs fois le nom selon la mode, sa préférence pour
Joey, le fils aîné, au détriment de Charlie, et le rejet de la religion
lors de la disparition de celui-là. Pour Charlie, se souvenir est
comme un exutoire. Il libère enfin de son coeur tout ce qu’il a
vécu, le mépris constant de ce père et son idée fixe que Charlie
ne sera jamais qu’un raté, même lorsqu’il lui prouvera le contraire.
L’intérêt de la pièce de Herb Gardner ne réside pas seulement dans
l’étude de l’intégration des juifs aux Etats-Unis, fort bien mise
en valeur par le texte et l’adaptation. Il réside aussi et surtout
dans l’étude de la vie d’un homme qui, avec ses « a priori », son
étroitesse d’esprit, ses préjugés, a rendu les autres responsables
d’un destin qui n’appartenait qu’à lui. On mesure d’autant mieux
l’échec de cette existence, lorsque l’on observe le parcours de
la mère, celui de Zarestsky, locataire et ami de la famille, artiste
juif, et les efforts de Charlie pour obtenir sans succès un peu
d’amour paternel, à travers ces fameuses conversations qui,
positives, auraient changé le cours des choses. Tout cela est remarquablement
restitué par le décor, joliment vieillot du bistrot, et par l’interprétation
magistrale des comédiens. Serge Hazanavicius porte magnifiquement
d’un bout à l’autre l’évocation de cette vie. Claude Brasseur, formidable,
ressemble de plus en plus au grand acteur que fut son père. Maurice
Chevit est un merveilleux comédien dans un rôle sur mesure et Denise
Chalem, excellente, en mère juive qui porte sa croix avec humour
et dignité. Le seul reproche réside sans doute dans une mise en
scène qui tire en longueur. Plus concise, elle éviterait les moments
d' inattention qui percent parfois.Théâtre de la Porte Saint-Martin
10e (Lettre 198).
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction
|