CONVERSATIONS APRES UN ENTERREMENT

Article publié dans la Lettre n° 254


CONVERSATIONS APRES UN ENTERREMENT de Yasmina Reza. Mise en scène Gabriel Garran avec Margot Abascal, Jean-Michel Dupuis, Serge Hazanavicius, Mireille Perrier, Josiane Stoleru, Bernard Verley.
Ils sont tous réunis autour de la tombe. Les enfants d’abord, Nathan, Alex et Edith. Un peu plus loin Pierre, le frère de Simon le défunt, et sa femme Julienne. Affligés, ils accomplissent les rites de leur religion en déposant quelques petits cailloux. En retrait, une jeune femme les observe, élégante et belle dans son manteau en daim. Elle s’approche timidement et dépose une simple rose rouge. Simon a souhaité être enterré dans le parc de sa propriété. Il n’y a pas lieu de s’en étonner : il aimait sa maison et le parc est vaste. Il fait anormalement chaud en ce samedi de toussaint. Le plus peiné semble être Alex. Ce décès a pour lui un goût amer car il a manqué ce père qui « ne l’entendait pas » et qui « l’écoutait avec impatience ». Peu avant sa mort, il avait voulu lui dire les mots mais c’était trop tard. Critique littéraire, Alex a toujours vécu dans l’ombre de son frère aîné, Nathan, celui a qui tout réussit. Quelques mots jetés par les uns et les autres et se dessine déjà la personnalité de Simon, veuf trop jeune pour élever ses enfants avec indulgence. Aucun des trois n’est marié. La liaison d’Edith avec Jean était tournée en dérision. La « mouche tsé-tsé », surnom donné à Jean par Simon, en dit long sur les sentiments du chef de famille. Pour Alex et Nathan un problème plus épineux les lie. Au centre de leur vie il y eut Elisa. Elle a rompu avec Alex après trois ans de vie commune. Il refuse de lui adresser la parole : « elle n’est pas venue pour moi mais pour des conventions bourgeoises ». Elisa semble plutôt être là pour Nathan. Une liaison d’un soir a laissé dans son cœur un amour intense mais sans espoir. Face à eux, Pierre fait figure d’ancien. Cultivé et débonnaire, il a épousé Julienne il y a deux ans, Julienne mariée trois fois, mère et grand-mère dont personne n’a pris soin de connaître la vie. Après l’enterrement, les conversations s’engagent autour du passé de chacun, des chagrins, et des plaies qu’il a provoqués.
Yasmina Reza était très jeune lors de l’écriture de cette pièce. Ce qui frappe tout d’abord, c’est sa maturité, cette façon de dire tout de la vie avec des petits riens et la parfaite élaboration du caractère de chaque personnage dont les rôles ont la même importance. Ce qui frappe ensuite c’est l’évolution de leurs relations à partir du deuil. La méconnaissance du vécu de l’autre et les rancoeurs vont peu à peu s’estomper pour laisser la place à une certaine sérénité. La mise en scène, et la scénographie exploitent bien cette graduation dans l’évocation de l’espace et du temps par un décor très judicieux. Vide, sombre et froid comme la mort au début, il s’agrémente de chants d’oiseaux et de petits meubles hétéroclites lorsqu’un dialogue plus intime s’instaure, puis d’une table plus grande où trône les légumes à éplucher pour le pot au feu, car la vie est là qui continue. Il s’achève sur un salon, à l’abri de la pluie et convivial, autour d’un verre, celui de la paix retrouvée pour les uns et de la réconciliation pour les autres. Une aide précieuse qui permet aux comédiens d’évoluer à leur aise ce qui les rend authentiques, justes et émouvants. Théâtre Antoine 10e (01.42.08.77.71). .


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