CONVERSATION EN SICILE

Article publié dans la Lettre n° 182


CONVERSATION EN SICILE d'Elio Vittorini. Mise en scène Jean-Louis Benoit avec Jean-Marie Frin, Ninon Brétécher.
Silvestro est déprimé par le monde qui ne tourne pas rond. La vie à Milan n'est pas drôle en 1938, et les ombres du fascisme étreignent le coeur du milanais. Il reçoit une lettre de son père lui annonçant qu'il a quitté sa femme. Dans quelques jours, c'est l'anniversaire de sa mère. Au lieu de lui envoyer la carte traditionnelle, il décide d'aller l'embrasser. Pendant ce court voyage, Silvestro va plonger au coeur de ses racines. Il va découvrir une femme forte, courageuse. Cette femme étonnante est sa mère, et il la voit avec les yeux de l'enfance. Elle est bien loin de la Mater Dolorosa, de la mama ratatinée, habillée en noir. Elle avoue à son fils ses révoltes, ses combats, ses aventures. Silvestro plonge avec délice dans ses souvenirs. Il voudrait avaler un bouillon de souvenirs. Il se gave d'images, il s'enivre de conversations. Le présent et le passé forment une alchimie de bonheur retrouvé. Silvestro se retrouve, il repartira plus fort.
Jean-Louis Benoit a un don pour nous faire découvrir des auteurs dont l'oubli semble inconcevable. Elio Vittorini est bien inconnu du public français. Il est à mettre au rang de Pavese, Moravia, Morrante. Conversation en Sicile était interdit en 1941. Il décrit une Sicile peu conforme à la tradition, et la mère est loin des conventions. C'est une femme libre, forte. Jean-Louis Benoit utilise tout le plateau, un fin rideau avance et recule comme les souvenirs qui émergent soudainement, comme le vent de l'histoire qui perturbe Silvestro. Une table, une chaise reconstituent tout un monde de bonheur, de câlins enfantins. Jean-Marie frin, cet homme perdu dans son temps, se retrouve au fil des mots avec une belle nostalgie. Ninon Brétécher brûle les planches. Quel tonus, jouant la fausse naïve et la vraie courageuse, elle est absolument merveilleuse.
Conversation en Sicile est un spectacle puissant où chacun de nous se retrouvera. Il a le charme de l'odeur d'une tarte aux pommes. Il aiguise notre appétit littéraire puisque nous avons envie de lire Vittorini. Un grand merci à Jean-Louis Benoit pour ce spectacle tout simplement remarquable. Théâtre de l'Aquarium Cartoucherie 12e (Lettre 182).


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