COMÉDIE PÂTISSIÈRE

Article publié dans la Lettre n° 386
du 5 octobre 2015


COMÉDIE PÂTISSIÈRE. Texte et mise en scène Alfredo Arias avec Alfredo Arias, Sandra Macedo et Andrea Ramirez.
Malaxez sur un fond d’Argentine une pâte historico-familiale, concoctée par une pâtissière hystérique. Faites dorer dans un four psychanalytique au gré de votre thermostat intime. Puis nappez d’un fondant aux couleurs du drapeau bleu et blanc des origines et dégustez cette friandise que vous offre un vieil enfant en culotte courte, tout attendri de mémoire égrenée.
Emaillé d’incidentes grivoises, – ah, les chiens en chaleur, ces érotiques hot dogs…-, et d’à-peu-près langagiers, de commentaires décalés sur l’uniforme des bonnes alcooliques, les soutiens-gorge de chez Harrods, les perruques et autres frustrations célibataires, le récit officiel sur l’Argentine de Perón et d’Evita se déroule comme un filigrane radiodiffusé ou télévisuel dans l’univers des cuisines de l’époque.
Les gâteaux les plus burlesques se glacent devant l’absurdité des coups d’État, la folie stupide des dictateurs sanguinaires et belliqueux, sur fond de misère populaire, de jalousies diverses et d’adultère banal.
Tandis que Petrona, grande prêtresse des lucarnes culinaires, élabore devant un public en pâmoison ses recettes déjantées et ses conseils de bonne tenue, le garçonnet mime en arrière-plan gestes et paroles, comme une traduction pour sourds-muets.
On devrait se méfier de ses propres enfants, mais avant de les mettre au monde… La vindicte de sa mère le voulait comme un rôti ficelé, jusqu’à lui interdire les échappées que lui offrait la célébrissime cuisinière médiatique. D’abord allongée sur le divan de cette cure psychanalytique où Al tâtonne dans ses souvenirs, Petrona se revêt progressivement du tablier de témoin intime, de double qui permet de combler les défaillances de la mémoire.
En toile de fond à cette fresque, les titres de films et les noms des actrices américaines qui animaient le quotidien s’entremêlent avec les chansons d’époque.
Cernés des photos de concoctions pâtissières et de gigantesques drapeaux argentins où passent leurs ombres démultipliées, les acteurs ont la blancheur des cuisines bourgeoises. Sandra Macedo, perchée sur des talons vertigineux, fait merveille en Petrona. Et, si les menus de la diva pâtissière laissent augurer la nausée, la farandole d’un désopilant Alfredo Arias dégouline joyeusement de fondant, aux superbes accents de la voix d’Andrea Ramirez, pulpeuse à souhait. Le dentier grand-maternel est figé dans le sourire, mais le rire bien vivant du public se teinte de tendresse et d’émotion devant le tableau empreint de pudeur d’une vie scandée de recettes ratées, d’égosillements maternels, d’ambiguïtés et de révélations.
Décidément le four mental d’Alfredo Arias est très pictural. Et pour notre meilleure gourmandise ! A.D. Théâtre de la Tempête-Cartoucherie de Vincennes 12e.


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