LA COLÈRE DU TIGRE
Article
publié dans la Lettre n° 371
du
22 septembre 2014
LA COLÈRE DU TIGRE de Philippe Madral.
Mise en scène Christophe Lidon avec Claude Brasseur, Michel Aumont,
Sophie Broustal, Marie-Christine Danède.
Amis de longue date, Georges Clemenceau et Claude Monet se retrouvent
au soir de leur vie dans la maison de Clémenceau, une simple baraque
de pêcheurs posée face à l’océan. Le grand politicien, héros de
la Grande Guerre, a imposé au gouvernement l’aménagement coûteux
de l’Orangerie afin d’en faire un musée pour y exposer la série
des Nymphéas de son ami. Mais les yeux de Monet le trahissent. Il
ne parvient pas à honorer la commande, se désespère, détruit le
travail commencé à la grande fureur du « Tigre ». Choyés par Clotilde,
gouvernante et cuisinière attentionnée, et ravis de la visite affectueuse
de Marguerite Baldensperger, amie et éditrice de Clémenceau, les
deux amis se retrouvent avec émotion. Mais le plaisir des retrouvailles
est assombri par la trahison de Monet et s’achève en passe d’armes.
Suivra une heureuse réconciliation avant « son grand saut dans le
nirvana ». Les Nymphéas seront exposés avec retard mais comme prévu,
au Musée de l’Orangerie où le monde entier peut venir les admirer,
tel Clémenceau le jour de leur inauguration.
Philippe Madral retrace fidèlement l’existence anticonformiste que
mena Georges Clémenceau. Son parcours politique et son rôle dans
la Grande Guerre marqués par un profond sens de l’honneur et une
grande honnêteté, son peu d’intérêt pour l’argent et les honneurs,
sa passion pour l’Extrême Orient qui l’emporta vers de lointains
horizons, mais aussi sa vie privée, son divorce avec sa jeune épouse
américaine et l’amitié amoureuse nouée avec Marguerite Baldensperger,
de quarante années sa cadette, très choquée par la perte récente
de sa fille aînée. Elle viendra illuminer les dernières années du
« Tigre » d’un bonheur chargé de tendresse et de compassion qu’il
scellera par un pacte : « Mettez votre main dans la mienne. Je vous
aiderai à vivre, vous m’aiderez à mourir. » La pièce éclaire la
partie de la vie de Clémenceau restée dans l’ombre, l’indéfectible
amitié qui le lia à Claude Monet et la passion qu’il porta aux Nymphéas,
œuvre majeure du peintre. Les répliques parsemées de traits d’humour
donnent un ton débonnaire aux conversations. La mise en scène classique,
le décor, les bruitages et les vidéos qui suggèrent tout au long
de la pièce l’étang et les nymphéas de Giverny, créent une ambiance
propice à l’intimité paisible du lieu.
Les deux comédiennes interviennent habilement dans ces retrouvailles,
composant des personnages très différents : Sophie Broustal (Marguerite)
celui d’une femme de tête, Marie-Christine Danède (Clotilde) celui
d’une femme rude, au bon sens populaire. Même si leur interprétation
est sans faille, la complicité attendue ne se tisse pas vraiment
entre les deux comédiens. Claude Brasseur joue un Clémenceau vigoureux,
au terme d’une vie remplie de joies mais aussi de remords. Michel
Aumont, moins expansif, se tient plus en retrait dans le rôle de
Claude Monet. Son talent s’exprime cependant dans toute sa splendeur
dans le très joli monologue sur la composition des couleurs du tableau
qu’il se propose de peindre. Théâtre Montparnasse 14e. Pour
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