CLERAMBARD

Article publié entre les Lettres n° 289 et 290


CLÉRAMBARD de Marcel Aymé. Mise en scène Nicolas Briançon avec Jean-Marie Bigard, Nicolas Biaud-Mauduit, Véronique Boulanger, Hélène Surgère, Jean-François Guilliet, Dominique Daguier, Sophie Tellier, Philippe Uchan, Fabienne Chaudat, Maud Heywang, Maurine Nicot, Lola Marois, Thibaud Lacour.
C’est sans doute la fatigue qui a raison de l’apathie de la famille du comte Hector de Clérambart. Celui-ci pratique l’esclavage chez lui. Madame de Léré, sa belle-mère, Louise, sa femme, et Octave son fils unique, sont en effet reliés toute la sainte journée à leur machine à tricoter. De temps en temps, quelques signes de révolte verbaux fusent mais l’épuisement et l’inanition ont vite raison de ces velléités. En plus d’être une brute esclavagiste, Clérambart est aussi un assassin. Tout animal qui croise ses pas a du souci à se faire, surtout les chats qui finissent tous à la casserole. Il faut dire que les Clérambart n’ont plus un sou pour se nourrir. Percepteurs et huissiers font le siège de la propriété dont le patrimoine est déjà bien écorné. Le curé du village leur rend visite avec une proposition qui les sortirait d’affaire, un mariage entre Évelyne, la fille aînée de maître Galuchon, avoué de son état, et Octave. La laideur d’Évelyne est rédhibitoire mais Octave est prêt à épouser n’importe qui pour sortir de son enfer quotidien. Malgré l’origine sociale pour le moins obscure des Galuchon, Louise et Madame de Léré voient en ce mariage la fin de leurs ennuis pécuniaires. Lors de la visite de la famille Galuchon pour la demande en mariage, Louise discute fermement du montant de la dot avant de donner son accord, se faisant for de persuader son mari du bien fondé ce cette union. Mais Clérambart a une autre idée en tête, à cause d’un événement survenu durant l’entretien de ces dames avec le curé. Saint François d’Assise en personne lui est apparu afin de l’éclairer sur sa conduite indigne et lui a laissé le livre de sa vie. Touché par la grâce, à la lecture de la biographie du saint, Clérambart décide qu’il n’attentera plus jamais à la vie de la moindre bête, fusse-t-elle une araignée. La venue de Léonie Vincent, surnommée la Langouste, la prostituée du village venue acheter un pull, lui procure une seconde idée: marier son fils à cette fille perdue qui a toutes les qualités. Alors que Louise et sa mère ont toutes les peines du monde à lui faire changer d’avis, Clérambart a une troisième idée en vue. Vendre ce qui reste de la propriété, payer ses dettes, distribuer le reste aux pauvres et partir sur les routes en roulotte avec sa famille en vivant de la mendicité…
Comment monter aujourd’hui cette pièce pour le moins surréaliste et complètement farfelue de Marcel Aymé? Nicolas Briançon nous en donne une brillante réponse en signant une mise en scène d’une formidable efficacité. Chaque scène est ciselée de façon à ne jamais laisse tomber le rythme et embarque le spectateur médusé dans les démêlés inénarrables de cette famille pour le moins spéciale. Il démontre que même si l’histoire est délirante, un bon texte reste un bon texte, surtout lorsque qu’il assène sans en avoir l’air et avec humour quelques vérités sur les défauts de notre société qui eux sont intemporels. Les comédiens se renvoient les répliques avec talent. Jean-Marie Bigard, tout à fait convaincant dans le rôle titre, n’en fait ni trop ni pas assez. Il laisse les autres comédiens s’exprimer en s’effaçant lorsqu’il le faut. C’est ainsi que Véronique Boulanger campe une Louise étourdissante, épouse obéissante et mère attentive, formatée par sa naissance et son éducation surannée. Hélène Surgère est une madame de Léré réjouissante dans sa perpétuelle indignation. Sophie Tellier joue une Langouste hilarante. Jean-François Guilliet campe un curé plus vrai que nature. Quant à Nicolas Biaud-Mauduit, Octave perpétuellement affligé, son numéro est digne d’une nomination aux prochains Molières. Les autres comédiens viennent compléter la distribution, tous remarquables, les décors et les costumes apportant la touche indispensable à ce spectacle réjouissant. Théâtre Hébertot 17e.


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