CHRONIQUES D’UNE HAINE ORDINAIRE

Article publié dans la Lettre n° 331
du 24 octobre 2011


CHRONIQUES D’UNE HAINE ORDINAIRE. Texte de Pierre Desproges. Mise en scène Michel Didym avec Christine Murillo, Dominique Valadié.
Au début du spectacle, quelques notes de Chopin. Ce genre d’agapes musicales ponctue en principe un moment romantique où deux coeurs battant à l’unisson se rejoignent avec bonheur, ou s’éloignent avec tristesse. L’amour ne fait pas le bonheur mais il y contribue. Cette première constatation nous permet de penser que nous sommes encore sur la longueur d’onde du musicien. Rien à redire sur la réflexion qui suit : Le bonheur est fait du bonheur qu’on n’a pas, on peut effectivement l’envisager sous cet angle. Et puis cela se gâte. Il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux. Exit le romantisme, nous venons de déraper dans la tête de Pierre Desproges.
L’homme de radio, de télévision et de théâtre qu’il fut n’est plus à présenter. Sous les algarades assassines qu’il proférait à l’égard de ses contemporains, tous bords politiques et tous milieux sociaux confondus : - Que choisir ? La gauche ou Mitterrand ? - perçait un auteur dont les réflexions grinçantes amusaient certains, mais énervaient beaucoup d’autres.
Michel Didym a souhaité faire revivre l’homme public, le Desproges dérangeant et provocateur qui ne laissait finalement personne indifférent, mais plus particulièrement l’auteur qui, d’une plume acerbe, couchait sur le papier ses petites réflexions assassines sur le bonheur, l’amour, la sexualité, l’âge, la mort, l’intelligence ou le métier d’artiste, pensées qui dévoilent un jardin secret plus profond. Christine Murillo et Dominique Valadié servent avec un incomparable talent les intentions du metteur en scène. Pétillantes et pleines d’entrain, elles se renvoient les pensées de ce faiseur de bons mots, fidèles à sa façon de présenter les choses, à son phrasé bref et sans appel mais tout en gardant leur ton si particulier qui continue de faire leur succès. Elles déclinent avec art les petites phrases de Desproges comme si elles allaient de soi, semblant totalement convaincues que:  l’âge mur précède l’âge pourri, qu’après la mort on est assis à la droite de Dieu, c’est normal, c’est la place du mort ou que l’intelligence c’est comme le parachute : si on n’en a pas, on s’écrase.
La vivacité de la mise en scène est un sacré tremplin pour cet exercice périlleux qui semble pourtant si simple à les entendre. Sous le regard que pose Pierre Desproges sur le monde, perce une fêlure qui prend tout son sens grâce à ces deux comédiennes d’exception. L’humour est bien ici la politesse du désespoir. La Pépinière Opéra 2e.


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