LA
CHAISE DE PAILLE
Article
publié dans la Lettre n° 231
LA CHAISE DE PAILLE de Sue Glover.
Mise en scène Guy-Pierre Couleau avec Nolwenn Korbell, Isabelle
Lafon, Anne Le Guernec, Philippe Mercier.
Une île au large du désespoir. Saint Kilda est perdue à l’ouest
des Hébrides. C’est l’été. La saison est sans charme, ici. Isabel
est désespérée. Son oncle vient de la marier au pasteur Seton. Elle
a dix-sept ans, il en a soixante. Elle a eu pour voyage de noces
une traversée éprouvante. Elle découvre son futur foyer, une bâtisse
que l’on nommerait ruine en Angleterre. Le seul siège de l’île est
un fauteuil cadavérique que lui dispute une folle. Cette folle est
Rachel, Lady Rachel, à ce qu’elle prétend. Ce fauteuil est
le vestige de son aisance lointaine. Isabel est fascinée par cette
femme pleine de mystère. Son pasteur de mari est venu évangéliser
la population un peu frustre de l’île qui parle le gaélique plus
que l’anglais. Isabel aime parler avec Lady Rachel et à Oona, une
îlienne délurée. Oona parle anglais. Elle initie la jeune anglaise
aux joies de l’île. Pour vivre ici, il faut faire corps avec l’île,
laisser les chaussures qui sont un handicap pour grimper sur les
rochers et dénicher les oiseaux, seule ressource de l’île et seule
distraction.
Guy-Pierre Couleau a découvert le théâtre de Sue Glover en montant
Asservies, une pièce racontant l’histoire des journalières,
de ces femmes qui travaillent la terre. Sue Glover est écossaise.
Son théâtre sent le terroir sans régionalisme. Sa langue riche,
imagée, s’attache à décrire des gens simples, en but avec un territoire
parfois hostile. Sue Glover s’est servie d’un fait historique: Lady
Rachel, embarrassante épouse de Lord Grange, seigneur d’Edinburgh,
est exilée sur une île. Isabel, jeune mariée inexpérimentée est
ballottée dans la vie. Son mari, le pasteur, préoccupé par sa mission
d’évangélisateur, n’est pas un prince charmant. C’est un homme honnête
dans ses convictions. Sue Glover dépeint par touches vives ces personnages
atypiques avec un art consommé du trait.
Guy-Pierre Couleau a misé sur une grande sobriété scénique, en parfaite
adéquation avec le dénuement de l’île. Il suffit d’une lampe, d’une
chaise, pour planter le décor et l’atmosphère. Sa distribution est
parfaite. Anne Le Guernec, toujours juste, est l’émouvante Isabel.
Rachel, jouée par Isabelle Lafon, donne à son personnage son mystère.
Oona a les traits de Nolween Korbell. Comédienne, chanteuse parlant
plusieurs langues, elle a appris le gaélique et apparaît comme le
feu follet de la pièce. Guy-Pierre Couleau a planté un décor, mais
surtout une atmosphère. On entendrait le bruit des vagues sur les
rochers et le cri des oiseaux. Sa mise en scène simple, directe,
donnant la part belle au texte et aux comédiens, nous fait penser
à La leçon de piano, jouée par une troupe tchékovienne. On
attend leur prochaine collaboration. Théâtre 13 13e.
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