CÉLIMÈNE ET LE CARDINAL de Jacques Rampal. Mise en scène Bernard Murat avec Ludmila Mikaël, Gérard Desarthe.
Le superbe salon bourgeois et cossu aux larges baies vitrées s’ouvre sur un corridor immense aux portes en enfilade qui va permettre l’entrée majestueuse d’un Alceste devenu cardinal. Vingt ans après, il vient au nom d’un mauvais rêve et soi-disant pour la sauver, rendre visite à son ancienne amante Célimène, aujourd’hui âgée de quarante ans, mariée à un bourgeois et mère de quatre enfants. Le dialogue amical mais réservé du début cède vite la place à un discours plus cinglant mais encore “gainé de courtoisie’’ qui se termine en la véritable joute oratoire de deux êtres qui, malgré les années, n’ont pas étouffé l'amour qu’ils se portaient. Il se veut insensible, plus inquisiteur que Torquemada et reste agrippé à son siècle finissant. Elle est devenue un rien libertine et a déjà un pas dans le XVIIIème siècle.
À une Ludmila Mikaël délicieuse, à la fois fragile et forte, fait face un Gérard Desarthe irrésistible dans un rôle grinçant et caustique qui ne lui est pas coutumier. Ils sont tous deux extraordinaires et admirablement portés par une mise en scène qui utilise à la perfection les grandes qualités du décor, des éclairages et de la musique. Écrire de nos jours une pièce en vers relève du pari le plus fou. Jacques Rampal s’y jette à corps-perdu avec délectation. Loin d’avoir la prétention de suivre les traces de nos illustres classiques, il sert cependant avec esprit un texte drôle et intelligent, très bien exploité par Bernard Murat et ses deux comédiens. Leur spectacle chargé de jeux de scène et de mots d’esprit a le grand mérite d’émouvoir et de réjouir pendant deux heures sans faiblir. Le très nombreux public venu les applaudir ne s’y est pas trompé et nous ne pouvons que nous joindre à eux pour les en féliciter. Théâtre de la Porte Saint-Martin 10e.