LES CANCANS

Article publié dans la Lettre n° 341
du 21 mai 2012


LES CANCANS de Carlo Goldoni. Mise en scène Stéphane Cottin avec Aurélie Bargème, Adèle Bernier, Emmanuel Curtil, Laure Guillem, Jean-François Guillet, Marine Lecoq, Michel Lagueyrie, Marie-Christine Letort, Jean-Pierre Malignon, Clément Moreau, Stéphane Olivié Bisson, Stéphanie Vicat.
Quand la basse-cour s’agite et caquète, gare aux réputations… Sgualda la fripière et Catte la blanchisseuse, deux vipères à la langue bien fourchue, se livrent à leur sport favori, la calomnie et autres médisances, avec l’aplomb méchant et vindicatif que donne un médiocre statut social. Leurs cibles favorites sont les deux minaudières, Béatrice et Eleonora, qui comblent leur désœuvrement dans le persiflage complice. Au centre de leurs manigances, un jeune couple en passe de convoler, deux amoureux, très jeunes et d’autant plus niais, Checca et Beppo, que ces harpies vont acculer au doute et à la souffrance. Epicez le tout d’une pincée de laissée-pour-compte, Anzoletta, qui récupérerait volontiers son amour perdu, en cas de rupture des tourtereaux. Père et parrain tenteront bien d’apaiser les choses, mais que faire contre ces cancans qui virevoltent hors d’atteinte et renaissent sitôt déjoués ? Histoire de corser le comique de commedia dell’arte, le délirant Lelio et son valet Arlecchino clament et grimacent leur faim multiple, faim de nourritures consistantes, faim d’amour, faim d’identité. Tout n’est qu’illusion d’honorabilité et souci jaloux du paraître. Le père connu est gentil mais putatif, le vrai père quant à lui, de retour d’une longue et obscure absence, se voit abusé dès son arrivée par la méchanceté récurrente des harpies. Et le boomerang des on-dit reprend sa course folle. Mais qu’allaient-ils donc faire dans cette auberge ? Goldoni ne s’embarrasse guère de vraisemblance, mais son œil acéré sur les vilénies humaines se révèle intemporel.
Entre twist et madison, la mise en scène est rock n’roll, les ponts tanguent, instables au-dessus des canaux, les décors de façades suivent la cadence et, comme à Venise tout naît, vit et s’achève en chansons, la rumeur court et danse aux rythmes haletants des sentiments qui se nouent et se délitent, telles les réputations et les révélations. Quand la grivoiserie et les à-peu-près s’en mêlent, les rangs et les titres qui les affublent en prennent pour leur grade. Rires et larmes sont authentiques, les acteurs débordent de la joie de jouer, les spectateurs ne tentent aucunement de leur résister. Pirouette, cacahouète… Théâtre 13 13e. A.D.


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