LES
CAMELEONS D'ACHILLE
Article
publié dans la Lettre n° 271
LES CAMÉLÉONS D’ACHILLE. Mise en scène
et écriture Corinne et Gilles Benizio avec Corinne Benizio, Gilles
Benizio, Valérie Crouzet, Pascal Durozier, Maryse Poulhe.
Moreno tente désespérément de mener à la baguette ses artistes qui,
selon lui, « font tout et n’importe quoi ». Bettina la régisseuse
suit son idée et l’interrompt lorsqu’il intervient en public, Nat,
la costumière, orne sa veste d’une curieuse pochette rouge et Joseph
tient absolument à ce qu’on l’appelle Jésus. Mais surtout, ils ne
sont jamais prêts lorsqu’il le faut. Moreno rouspète, houspille
et parvient tout de même à ses fins.
Le spectacle va bon train, il est même très varié. La petite troupe
s’essaye à tous les genres. Entre deux changements de décor, les
voltigeurs sont là pour faire patienter et si l’extralucide ne remonte
pas franchement le moral des spectateurs dont elle prévoit l’avenir,
Nathalie est très experte pour les faire chanter en canon. Tout
ceci dans la joie et la bonne humeur, s’il vous plaît !
Corinne et Gilles Benizio ont oublié pour un temps Shirley et
Dino. Ils ont remisé la petite robe à carreaux et le pantalon
tuyau de poêle. Fini le duo, retour au travail de compagnie. Ils
sont cinq sur scène pour tenir la dizaine de rôles réclamée par
leur nouveau spectacle, une envie tenace de visiter, en une succession
de scènes, les différents styles de jeux dramatiques: le boulevard,
le mélodrame, la farce, la comédie musicale et même le drame shakespearien
dans le texte ! Ce ne sont pas les idées qui manquent pour imaginer
une scène de comédie, ou de farce. Un don Juan se trouve ainsi très
empressé de trousser une villageoise, un bourgeois de se vêtir en
gentilhomme, à la grande joie de sa soubrette, ou un avare de couver
sa cassette. Aucun problème non plus pour Shakespeare. Macbeth,
Hamlet, Roméo ou Juliette s’expriment dans un anglais tout à fait
shakespearien, mais les puristes seront peut-être d’un tout autre
avis …
S’ils se montrent moins efficaces dans la comédie que dans la farce,
Ils sont particulièrement drôles dans la tragédie et stupéfiants
dans le mélodrame qui met aux prises deux orphelines retrouvant
leurs parents, ou bien encore dans la comédie musicale. Celle-ci
raconte aux enfants comment une fille vêtue d'un chaperon rouge,
faisant route dans la forêt vers la maison de sa grand-mère, tombe
sur un mauvais garçon entreprenant dont les mauvaises intentions
sont interrompues par les arrivées intempestives d’une chèvre bien
connue puis d’une maman décidée à remettre sa fille sur le droit
chemin. Pas simple! Nos cinq compères passent d’un genre à l’autre
avec une formidable dextérité, dans une débauche de décors et de
costumes tous plus délirants les uns que les autres. Valérie Crouzet,
Pascal Durozier et Maryse Poulhe ont sûrement dû répondre présent
avec enthousiasme à cette nouvelle idée de Corinne et Gilles Benizio.
Ils auraient eu tort de décliner l’offre. Ils sont tous formidables
et les deux heures et quart passées en leur compagnie passent comme
un souffle. Théâtre des Bouffes Parisiens 2e (01.42.96.92.42).
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