CAHIER DE TEXTES

Article publié exclusivement sur Internet avec la Lettre388
du 16 novembre 2015


CAHIER DE TEXTES de Béatrice Mandopoulos. Mise en scène Cécile Lehn avec Chantal Trichet.
Oui, voici l’arène, le lieu des regards et des défis, des indifférences feintes, des attentes disparates, des respects voilés. Qui est le taureau, qui est le torero ? Elève ou maître ? Les parents s’inquiètent, l’institution tangue dans ses propres contradictions, professeur et élèves dansent leurs entrechats dans un sitio nécessaire, parce que le taureau va charger et le torero le maintenir à distance. Il en va de leur santé respective, entre attente et esquive.
Rien de plus insaisissable que cette relation ambiguë, mouvante, déconcertante, qui aura pour enjeu l’autorité qui fait grandir, la connaissance qui épanouit.
Pourquoi est-on élève ? c’est dans l’ordre des choses et le désordre des occasions, celle de l’insolence ou celle de la surprise, celle du silence ébahi devant les Ménines de Vélasquez, celle de ces savoirs entrevus dans le grand livre ouvert de l’École.
Pourquoi devient-on professeur ? par hasard, curiosité, tendresse, au-delà des petits matins noués, des découragements passagers, d’une réussite jamais vraiment là où on l’attendrait, avec ses bonheurs soudains au détour de retrouvailles inopinées avec le cancre de naguère, avec ses lassitudes et ses émerveillements, et le peuple des salles de professeurs qu’on regarde avec un détachement narquois, les engagements si souvent différés, les voyages funambulesques…
Il y a surtout l’enthousiasme têtu, l’évidence opiniâtre qu’on ne saurait être ailleurs.
Il y a En un lugar de la Mancha, de cuyo nombre no quiero acordarme… du Quichotte, qui entre en résonance bouleversante avec le me llamo…¿ y tú ? des premiers matins du monde.
D’une vie qui s’est écoulée sans crier gare, il demeure le cartable gris et fané, plein de trophées dérisoires, de vestiges hétéroclites, une réminiscence poignante dans sa modestie même.
Charlotte Trichet, avec humour et tendresse, tourne les pages du cahier de textes et donne à voir ce cheminement bariolé, sans emphase, profondément humain. Et on se laisse aller doucement à cette sérénade, celle de l’enfance lointaine, celle d’une vie que dessine à nouveau la mémoire. A.D. Théâtre de la Boutonnière 11e.


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