LA CAGNOTTE
Article
publié uniquement sur Internet
entre la Lettre n° 312 et la Lettre n° 313
LA CAGNOTTE d'Eugène Labiche. Mise
en scène Adel Hakim. Musique Marc Marder. Chorégraphie Véronique
Ros de la Grange avec Maryse Aubert, Thierry Barèges, Isabelle Cagnat,
Etienne Coquereau, Jean-Charles Delaume, Malik Faraoun, Serge Gaborieau,
Nigel Hollidge, Prunella Rivière, Thomas Germaine ou Bruno Paviot.
Ils sont si farcesques que lorsque le carnaval les croise sur le
pavé parisien, ils ne détonent pas dans le paysage.
Petits-bourgeois provinciaux, pusillanimes et confits dans leurs
manies étriquées, ils misent quelques sous (et autres boutons !)
au moindre brelan, dans des parties hebdomadaires de « bouillotte
». Mesquine mais payante à la longue, cette mise, puisqu'elle
leur permet d'envisager, après une lente capitalisation, de «
manger la cagnotte ». Le choix s'avère difficile : un bal,
un festin, des achats ? Les intérêts des uns et des autres occasionnent
un nouveau différend entre ces amis d'habitude et de convenance
plus que de réelle connaissance mutuelle. Finalement, après vote,
ce sera une sortie à Paris, pour des motifs aussi divers que peu
avoués ou avouables. Parce que l'un a mal aux dents, que d'autres
y rencontreront peut-être enfin l'amour qui leur fait défaut. Périls
et catastrophes évités de peu, révélations et désirs enfouis seront
au rendez-vous de cette folle aventure. Et tout rentrera dans l'ordre
hypocrite pour ces marionnettes à ressorts dont rien ne semble en
mesure d'ébrécher la stupidité névrotique et le refoulement hystérique.
La galerie des portraits est complète, caricaturale et terriblement
comique. Comme une kyrielle de masques du peintre Ensor.
Champbourcy (excellent Malik Faraoun qui campait Alcandre dans L'Illusion
Comique, en ce même théâtre), meneur burlesque de cette farce, s'arroge
une autorité que lui confère son titre ronflant de bienfaiteur des
pompiers dans une ville qui n'a jamais d'incendies. Sa sœur acariâtre
(jubilatoire Prunella Rivière), vieille fille frustrée au physique
ingrat de grenadier de la garde, propose des charmes usurpés à une
agence de rencontres matrimoniales par petites annonces. Colladan
(Serge Gaboriau, lunaire et désopilant), apothicaire vieillissant,
faux pudibond et vrai jouisseur, a recours aux mêmes services d'un
marieur escroc. On imagine sans peine les quiproquos que l'habileté
du vaudeville ne fera que retarder sans en éviter le dévoilement
final. Paysan matois et tyrannique, Cordenbois (efficace Etienne
Coquereau, Géronte de la même Illusion) et Sylvain, son fils déluré
et menteur. Notaire benêt (Jean-Luc Delaume, enchanteur et inspiré
dans le rôle cornélien de Matamore) et sa dulcinée, oie pas si blanche
que ça. Serveurs parisiens filous, policiers vengeurs, escroc matrimonial
et clinquant. Nul n'échappe à la verve hilarante de Labiche, au
milieu d'un feu d'artifices de courses poursuites, d'évasions manquées,
de marbres suggestifs. La mise en scène remarquable d'Adel Hakim
rythme ces répliques qui fusent, comme une opérette scandée de chorégraphies
vivaces où les comédiens s'en donnent à c(h)œur joie. Le spectateur,
à bout de souffle et de rire, en redemande ! (A.D.). Théâtre
d'Ivry Antoine Vitez 94.
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