CAFE CHINOIS

Article publié dans la Lettre n° 222


CAFÉ CHINOIS de Ira Lewis. Adaptation, mise en scène Richard Berry avec Richard Berry, François Berléand.
L’appartement de Jake (François Berléand) ne respire pas l’opulence, des photos égaient les murs de brique. Fébrile, Harry (Richard Berry) déboule chez Jake. Ce mois de février est glacial comme il l’est souvent à New-York. Jake considère son ami d’un oeil morne et agacé. Cette visite l’importune. 1h30 du matin n’est pas l’heure idéale pour une visite. Harry tremble, tournicote comme un chien qui cherche sa place. Harry veut entraîner son ami acariâtre prendre un café. Mais pas n’importe où! Le café chinois est un petit moment de bonheur dans sa vie. Dans Chinatown, il y a un endroit précis où le café est bon, de qualité. On ne le sert pas dans un vulgaire gobelet en plastique mais dans un pot en grès. Et puis le nec plus ultra, la crème abondamment servie. Un régal. A 47 ans, Harry n’a rien. Il vit dans une chambre d’étudiant et vient de perdre son travail. Il aimerait récupérer l’argent qu’il a prêté à Jake. Celui-ci refuse. Sa situation n’est pas meilleure, son job de photographe d’artiste reste très confidentiel. Il refuse tout, il veut dormir, foutre à la porte cette boule d’anxiété contagieuse nommée Harry. Il sait que le café est un prétexte, Harry veut parler de son roman et quel roman. Car Harry est un romancier sans éditeur mais bourré de talent, il croit dur comme fer à la reconnaissance tardive. Jake est un désabusé morose. La longue nuit des règlements de compte amicaux mêlés de rancoeur, de désabusement, commence.
Café Chinois est une pièce qui génère les coups de coeur. Alors qu’il interprète sa pièce, Ira Lewis reçoit Al Pacino qui jouera la pièce avec succès. Richard Berry a le même choc. Il porte ce projet depuis plusieurs années. La maturation de désir offre un spectacle puissant, subtilement envoûtant qui nous questionne sur notre propre vie. François Berléand donne à Jake sa nonchalance désabusée, jouant de toutes les nuances d’un personnage tout à tour détestable et attachant. Richard Berry est surprenant. Nous croyons le connaître et il nous subjugue. Son arrivée dans l’appartement est saisissante, un bonnet enfoncé jusqu’aux yeux. Son jeu fiévreux donne d’emblée le caractère de son personnage. Harry l’anxieux, l’hypocondriaque, l’hypersensible, qui devient lyrique en parlant d’une tasse de café. Richard Berry est prodigieux car tout son être compose son personnage, sa détresse est palpable. Harry et Jake sont les deux visages d’un même personnage aux aspirations broyées dans la grande métropole. En choisissant François Berléand, il a trouvé l’alter ego idéal pour cette aventure théâtrale qui est une brillante réussite pour un Richard Berry captivant. Théâtre de la Gaîté Montparnasse 14e (01.43.22.16.18).


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction