C.3.3. de Robert Badinter. Mise en scène Jorge Lavelli avec quatorze comédiens dont Roland Bertin, Claude Evrard, Pierre Decazes, Sylvain Thirolle, Jean-Loup Wolff, Claude Aufaure, Luc-Antoine Diquero.
Quel destin étrange que celui d’Oscar Wilde. Auteur adulé, fêté, reçu dans la plus brillante société, couronné des lauriers du succès, le dramaturge est du jour au lendemain précipité en enfer carcéral. Le dandy londonien, marié et père de deux enfants, entretient une liaison avec Lord Douglas. Cette « liaison » ne fait pas exception dans la société londonienne , mais Lord Queensberry qui n’a de noblesse que le titre, fait parvenir un billet infamant à l’amant de son fils. Mal conseillé, Wilde intente un procès en diffamation. Mais que peut un saltimbanque contre un lord? Condamné aux travaux forcés pour deux ans, Wilde, le dandy raffiné, est projeté dans un univers impitoyable et insalubre.
Avec C.3.3., on s’attendait à un événement plus parisien que théâtral. Mais Robert Badinter a écrit une oeuvre dense même si l’on sent parfois une certaine confusion quant à la forme d’ensemble. Les scènes sont précises, intenses. L’une des plus fortes est celle ou un gardien de prison raconte une exécution capitale. Cette scène poignante nous ébranle au plus profond de nos convictions les plus fermes. La structure de la pièce n’est pas des plus faciles puisque nous suivons Wilde de son présent carcéral à son passé précieux. Jorge Lavelli utilise toutes les astuces techniques du théâtre dans une mise en scène serrée, sobre, inventive. Roland Bertin est Oscar Wilde, de l’élégant affecté souvent insupportable à l’homme brisé, humilié dans sa chair et son esprit. Nous voyons vieillir Wilde, apeuré, l’air hagard, la silhouette cassée. Roland Bertin donne toute l’ampleur tragique de son pathétique personnage. Il interprète magnifiquement le sensible auteur de L’important d’être constant  dont le plus grand crime fut un crime d’amour et la plus grande erreur celle de croire en la justice. Théâtre National de la Colline 20e.