BROOKLYN
BOY
Article
publié dans la Lettre n° 233
BROOKLYN BOY de Donald Margulies.
Adaptation et mise en scène Michel Fagadau avec Stéphane Freiss,
Maurice Chevit, Serge Kribus, Stéphanie Fagadau, Aissa Maiga, Stéphane
Roux-Weiss, Smadi Wolfman.
Après trois succès d’estime très confidentiels, Eric Weiss caracole
dans le peloton de tête des best sellers avec son roman Brooklyn
Boy. Même s’il s’en défend, le livre est une autobiographie
déguisée des premières années de sa vie à New-York. Bien sûr, il
a changé les noms, inventé des personnages, adapté les situations.
Certains veulent à tout prix se reconnaître dans le livre, comme
Ira Zimmer, son ami d’enfance, perdu de vue depuis vingt ans. Ira
est intimement persuadé que le livre est l’histoire de sa vie. Le
père d’Eric est à l’hôpital, encore une fois, peut-être la dernière
fois. Le vieil homme et son fils n’ont jamais su se parler. Il est
si difficile d’avouer son affection, son amour. Eric aimerait tellement
que son père lise son livre, leur livre. Ce succès, il l’a tellement
désiré, appelé de tous ses voeux. Les signatures, les dédicaces
dans tous les Etats-Unis, l’achat des droits par Hollywood, les
conquêtes faciles, tout cela Eric en rêvait. Alors que la reconnaissance
et l’aisance sont à portée de mains, Eric accumule les échecs intimes.
Il attend un mot de son père, dernier bastion de ses racines. Un
succès n’est jamais complet si l’on n’est pas reconnu par ceux que
l’on aime.
Donald Margulies est l’auteur de Dîner entre amis qui remporta
un beau succès dans la mise en scène de Michel Fagadau. On retrouve
dans Brooklyn Boy les mêmes qualités d’écriture et d’analyse
des frottements humains, situant l’auteur entre Woody Allen et Pinter.
Stéphane Freiss est Eric Weiss. Il porte le spectacle sur ses épaules.
Il est sur scène pendant deux heures et quart. On le suit pendant
ses cinq rencontres, cinq étapes de la vie d’un homme. Eric est
un chercheur de lui-même, de ses racines qu’il renie. Stéphane Freiss
a toujours cherché à décoller l’étiquette de jeune premier, diversifiant
ses interprétations. Avec Brooklyn Boy, il atteint une maturité
fascinante dans son jeu, tout en délicate pudeur. Son émotion à
fleur de peau, il pirouette entre les larmes et les rires. Michel
Fagadau réalise l’une de ses plus belles mises en scène, très épurée.
Des panneaux glissent pour nous permettre une incursion dans une
autre visite d’Eric. La fluidité du décor et l’interprétation sans
faille de toute la distribution, tout est admirablement réglé. Le
père d’Eric est Maurice Chevit, formidable, qui, d’une mimique,
campe le vieil homme égoïste dans ses petites manies. Serge Kribus,
l’ami d’enfance oublié, représente le commun des mortels, drôle,
agaçant, émouvant.
Brooklyn Boy est le spectacle qui fait enfin décoller cette
saison théâtrale bien décevante et Stéphane Freiss trouve ici un
rôle dans lequel il donne toute la dimension de son talent, de sa
palette d’émotions qui nous touchent. Comédie des Champs-Elysées
8e. Lien: www.comediedeschampselysees.com.
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