BRITANNICUS

Article publié dans la Lettre n° 398
du 13 juin 2016


BRITANNICUS de Jean Racine. Mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig avec Clotilde de Bayser, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Stéphane Varupenne, Georgia Scalliet, Benjamin Lavernhe, Dominique Blanc.
Néron nourrit sans doute quelque coupable dessein mais lequel ? Après la fin de règne calamiteuse de son père adoptif, l’Empereur Claude, un temps nouveau a vu le jour dans l’Empire romain depuis que sa mère Agrippine l’a hissé sur le trône deux ans plus tôt. Elle n’a reculé devant aucun forfait pour écarter Britannicus, fils de Claude, qui aurait dû hériter du pouvoir. Gouvernant aujourd’hui avec l’aide du fidèle Burrhus et de Sénèque, Néron jouit d’une rare popularité. Et voici qu’il vient de faire enlever en pleine nuit la jeune et pure Junie. Voit-il l’hymen qu’Agrippine a ourdi entre la jeune fille et Britannicus comme l’opportunité pour elle de replacer ses pions sur l’échiquier du pouvoir ou considère-t-il cette alliance comme une menace ? Son rival reste malgré tout l’héritier légitime et la jeune fille incarne l’héritage d’Auguste.
Voici Junie, désemparée, qui survient à pas comptés. Les pieds nus, un imperméable prestement posé sur ses épaules, la violence de son arrestation ne lui a pas laissé le temps d’apprêter sa chevelure. Hélas, dès qu’il l’aperçoit, Néron en tombe amoureux et lui déclare tout de go sa flamme. Lorsque Junie lui avoue avoir donné son cœur à Britannicus, l’empereur la somme de renoncer à cet amour, d’en informer son fiancé dans l’heure et sur place afin d’être le témoin caché de la rupture. La mort dans l’âme, craignant pour la vie de Britannicus, Junie s’exécute, mais précipite celui-ci dans le plus grand désarroi. Le jeu du pouvoir se met alors en place. On s’épie, on se jauge, les ennemis d’hier deviennent les alliés d’aujourd’hui tandis que ceux qui se disent amis trahissent.
Le tempérament et les réactions des personnages sont particulièrement bien cernés. Agrippine, avide d’un pouvoir qu’elle sent lui échapper, fait face à un Néron encore indécis, partagé entre les arguments de Burrhus, ministre intègre qui tente de le ramener à la raison et ceux de Narcisse, courtisan perfide, habile à assurer de son amitié le candide Britannicus, tout en manœuvrant l’empereur afin d’affirmer son pouvoir. Face à eux, les deux jeunes fiancés peinent à imaginer l’effroyable complot qui va pourtant briser leur avenir. Britannicus assassiné, Narcisse lynché, commencera alors pour Rome une nouvelle ère qui donnera raison à la funeste prédiction de Burrhus.
La rigueur dans le style et la formulation est au cœur de cette tragédie écrite par un dramaturge influencé par son éducation janséniste et amoureux de la langue française. Leitmotiv de la mise en scène et de la scénographie, cette rigueur est respectée par les comédiens. Ils la transcendent toutefois afin d’exprimer l’émotion tragique qui gagne en intensité d’acte en acte. La coupe moderne des costumes dont ils sont parés corrobore l’intemporalité d’un drame où intrigues, trahisons et abus de pouvoir sont maîtres. Comédie Française 1er.

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