LE BOURGEOIS GENTILHOMME
Article
publié dans la Lettre n° 335
du
16 janvier 2012
LE BOURGEOIS GENTILHOMME de Molière.
Mise en scène Marcel Maréchal. Collaboration à la mise en scène
Michel Demiautte. Musique François Fayt. Chorégraphie Patricia Delon
avec Marcel Maréchal, Jacques Angéniol, Sinan Bertrand, Antony Cochin,
Michel Demiautte, Philippe Escande, Liana Fulga, Laetitia Godès,
Flore Grimaud, Agnès Host, Antou Prégnan-Martinez, Henry Valette.
Dans la bonne ville de Paris, tout le monde connaît les Jourdain,
issus de familles de petits bourgeois enrichis dans le commerce
du drap. Si Madame Jourdain s’accommode le mieux du monde de sa
condition, il n’en est pas de même de son époux. Celui-ci se pique
de noblesse, et son amitié affichée avec Dorante, un comte qui le
pille littéralement, le comble de joie. Afin d’élever son rang,
il s’entoure de toute une clique de professeurs, maîtres de ballet,
de danse, d’escrime et même d’un philosophe qui lui ouvre des yeux
éblouis sur la signification de la prose et des vers. Il se fait
également confectionner des vêtements dignes de son ascension sociale.
La vue de son maître fagoté de la sorte, provoque un fou rire mémorable
à Nicole, la servante, dont l’humeur n’est pourtant pas au beau
fixe. Les visiteurs crottés qui se pressent au logis lui donnent
un travail dont elle se passerait volontiers. Revenant du marché,
les poireaux dépassant de son cabas, Madame Jourdain, quant à elle,
n’en croit pas ses yeux à la vue de son mari ainsi affublé. Furieux,
celui-ci traite tout son monde de sot et persiste, d’autant qu’il
s’est amouraché d’une belle marquise dont les beaux yeux…, bref,
vous savez ! Fort dérangée par les libéralités de son mari à l’égard
de Dorante, par ses dépenses somptuaires et ses soupçons quant à
sa fidélité, Madame Jourdain commence véritablement à prendre les
choses au sérieux lorsque son mari lui confie que l’avenir de leur
fille fait partie de ses ambitions. Il s’est mis dans la tête de
faire de Lucile une marquise, voire une duchesse si on le contrarie
! Or, celle-ci, avec la bénédiction de sa mère, est amoureuse de
Cléonte qui le lui rend bien. Que faire ? Covielle, valet de Cléonte
et amoureux de Nicole, a une idée. Qui résisterait à l’envie d’être
fait mamamouchi par le fils du grand turc ? Sûrement pas le maître
de séant ! Madame Jourdain est alors définitivement persuadée de
la folie du pauvre homme.
Cette pièce, présentée au public en 1670, incarne à la perfection
le genre de la comédie ballet. Mais sous couvert d’un pur divertissement,
elle permet aussi à Molière de faire une satire de la société de
son temps, d’insister sur l’attirance de celle-ci pour l’Empire
ottoman et de remémorer le scandale provoqué par l’ambassadeur turc
lors de sa visite à la cour du Roi Soleil. Ces thèmes enjambent
allègrement les siècles. La folie des grandeurs et les turqueries
étaient au XVIIe siècle ce que sont aujourd’hui l’ostentation bling-bling
ou la prétention d’un dictateur libyen dans le parc d’un hôtel
parisien !
A cet égard, la mise en scène de Marcel Maréchal est réjouissante.
Avec l’ardeur et l’esprit d’invention d’un jeune homme, il joue
avec un talent confondant le rôle de Monsieur Jourdain, clown désopilant
entraînant sa troupe dans des situations qui laissent pantois et
n’omettant aucune occasion de relever joyeusement chacune des péripéties
qui émaillent les scènes. Oscillant entre l’accoutrement ahurissant
de Jourdain (une mention à Bruno Fatalo) et ceux plus contemporains
de son entourage, les clins d’oeil sont aussi nombreux que jouissifs,
la musique et les ballets ajoutant un grain de sel ébouriffant.
« Comme cela fait du bien de rire », commente un spectateur à la
cantonade en reprenant contact avec la réalité ! Son point de vue
est largement partagé. Théâtre 14 14e.
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