LE BOURGEOIS GENTILHOMME
Article
publié dans la Lettre n° 336
du
6 février 2012
LE BOURGEOIS GENTILHOMME. Comédie-Ballet
de Molière et Jean-Baptiste Lully. Mise en scène Catherine Hiegel
avec François Morel, Marie-Armelle Deguy, Emmanuel Noblet, Alain
Pralon, Stephen Collardelle, Héloïse Wagner, Camille Pélicier, Gilian
Peytrovski, David Migeot, Géraldine Roguez, Eugénie Lefebvre, Anicet
Castel, Frédéric Verschoore, Joss Costalat, Romain Panassié, Olivier
Bioret et cinq musiciens.
Quatre représentations du Bourgeois gentilhomme sont à l’affiche
en ce moment dont deux aux antipodes l’une de l’autre.
Dans l’esprit du théâtre de tréteaux et avec peu de moyens, Marcel
Maréchal nous réjouit en actualisant la pièce de Molière (Letttre
335). Sa mise en scène échevelée relève les travers de la société
du XVIIe siècle, suggère leur intemporalité grâce à l’artifice des
costumes modernes, à une musique et des danses troussées à la diable.
Elle en souligne ainsi leur sottise par le comique.
Catherine Hiegel, quant à elle, décide de respecter le principe
de la comédie-ballet. Nous sommes en 1670, et nous assistons à la
fameuse oeuvre commandée par Louis XIV à Molière et Lulli. Il ne
manque que le roi ! Le décor est somptueux. Les moyens sont là et
l’ampleur de la scène le permet : une très jolie toile de fond peinte,
des fontaines, des bancs et des arbustes. Au second plan, une estrade
rotative sur laquelle trône un clavecin accompagné de plusieurs
autres instruments de l’époque. Un quintette qui ne peut rivaliser
avec Lully mais tout de même ! Quatre danseurs et trois chanteurs
occupent l’espace. Facétieux, ils sont là pour distraire.
Le rôle de Monsieur Jourdain semble taillé sur mesure pour François
Morel, prodigieux. Véritable caméléon, il se réjouit, s’étonne,
s’inquiète, se met en colère, joue les heureux avec un tel naturel
qu’il finit par ne plus toucher terre dans tous les sens du terme.
Chaque scène, ciselée, étudiée, est un bijou. On reconnait bien
là l’exigence de Catherine Hiegel. Le dialogue entre le maître de
musique et le maître de chant, très classique, est interrompu par
l’arrivée fracassante du maître d’escrime, capitaine crochet en
perdition, cause d’une première algarade, elle-même calmée par l’apparition
du maître de philosophie. Ce moment, le plus connu de la pièce,
est ici une scène d’anthologie. « Que voulez-vous que je vous enseigne
? », « La logique ? »...« La physique ? ». Et le voici ouvrant son
manteau de part en part, contenant dans autant de poches les calepins
adéquats. Non, Monsieur Jourdain préfère qu’on lui enseigne l’orthographe.
Le monde insoupçonné des vers et de la prose s’ouvre alors devant
ce bon bourgeois et l’interprétation des deux comédiens laisse pantois
d’admiration.
L’arrivée du tailleur remet au lendemain la suite de la leçon. Jourdain
est tout d’abord apparu avec la fameuse robe d’intérieur dont seule
la traîne prête à rire, le comédien ayant toutes les peines du monde
à ne pas se prendre les pieds dedans. Son nouvel habit, fait par
le plus grand tailleur de la capitale, n’est pas ridicule contrairement
à ce qui est souvent suggéré. Jourdain est tout simplement habillé
en Roi Soleil. Fastueux, il ne manque à son habit ni une dentelle,
ni un ruban. L’obsession de s’élever au dessus de sa condition égare
le maître de maison, d’où l’hilarité de Nicole. Le fou rire de la
servante (diablement bien joué) n’est pas dû au ridicule mais à
l’incongruité pour un homme de sa condition de se revêtir comme
un roi.
La suite est un vrai festival. Madame Jourdain excelle à passer
par tous les états, surtout lorsqu’elle apprend le dessein de son
mari de faire de leur fille une marquise. Au snobisme hilarant du
comte répond celui de la petite marquise, ce qui donne une scène
du déjeuner tout aussi mémorable ! La conversation plutôt physique
entre Cléonte et Covielle, puis celle explicative entre les quatre
tourtereaux, clôt cette première partie comme un tourbillon. La
suite est la principale raison de l’élaboration de la comédie :
ridiculiser ce fat d’ambassadeur turc, et son ostensible mépris
devant les fastes de la cour de Louis XIV. La critique est aisée.
Catherine Hiegel s’en empare avec un esprit particulièrement inventif
et les comédiens ne se tiennent plus de joie. Une création du Cado
d’Orléans est déjà un gage de qualité. Mise en scène par Catherine
Hiegel, elle devient une référence. Théâtre de la Porte Saint-Martin
10e.
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