LE
BOURGEOIS GENTILHOMME
Article
publié dans la Lettre n° 253
LE BOURGEOIS GENTILHOMME de Molière.
Musique de Lully. Mise en scène Alain Sachs avec Jean-Marie Bigard,
Catherine Arditi, Grégori Baquet, Charles Ardillon, Nadège Beausson-Diagne.
Jean-Marie Bigard est la star des showmen en France. Le seul à pouvoir
remplir le Stade de France. Autant dire qu’il n’a rien à prouver
sur son impact auprès du public. Jean-Marie Bigard, l’homme qui
nous fait pleurer de rire, décide de changer de registre et d’auteur.
Il remet son titre en jeu dans une catégorie dans laquelle il n’a
pas encore boxé: le théâtre classique. Ce grand monsieur de la scène
sait qu’on ne lui pardonnera rien. Il s’agissait de bien choisir
cette première pièce. Le choix du Bourgeois Gentilhomme est
fort judicieux et rentre en droite ligne dans une tradition. Cette
comédie ballet mêle la satire sociale, un verbe amusant sur une
musique entraînante. De nos jours, le duo Molière-Lully aurait composé
une comédie musicale. Il y a une adéquation parfaite entre l’interprète
et le rôle. En apparence seulement, car si Monsieur Jourdain est
ridicule en voulant singer les nobles, Monsieur Bigard ne l’est
pas du tout en jouant la comédie. Son monsieur Jourdain est parfaitement
crédible, mettant dans sa composition la fatuité, l’application
dans l’apprentissage des signes extérieurs de noblesse, et la gaucherie
émouvante dans son amour pour la belle marquise.
Le premier quart d’heure nous fait présager le pire. Le spectateur
se pose cette question molièresque: « qu’allait-il faire dans cette
galère ? » En effet, le décor d’un magasin de sport constitué de
grandes verrières, est plutôt laid, les costumes mixant le gothique,
le vintage et les baskets laissaient augurer une salade bien dans
l’air du temps, où la provocation anachronique allait pallier au
manque de sens. Mais qu’importe que monsieur Jourdain vende des
baskets ou des patins à roulette, il est dans l’esprit du rôle et
respecte le texte à la virgule près. Très vite les danseurs emportent
l’adhésion ravie des plus jeunes et bousculent gentiment les plus
traditionalistes. Les maîtres se succèdent pour dégrossir notre
bourgeois et le maître de philosophie, rompu aux arts martiaux,
est formidable. Autour de Jean-Marie Bigard une équipe de choc avec,
en tête, Catherine Arditi, une madame Jourdain un peu popotte, ayant
les pieds sur terre, comme toujours impeccable. Le rôle de Nicole,
la servante au rire incoercible, est joué avec humour et charme
par Nadège Beausson-Diagne. Le rôle est plus difficile que l’on
croit car le rire, généré par le bon sens populaire de Nicole devant
les égarements vestimentaires de son maître, doit être communicatif.
Elle est épatante. Grégori Baquet, qui parle mieux que quiconque
la langue des mamamouchis, est un Covielle virevoltant. Le spectacle
se suit avec un plaisir bon enfant. On redécouvre la saveur de cette
comédie ballet légèrement bousculée pour la plus grande joie d’un
public à qui l’ombre des classiques fait peur. Jean-Marie Bigard
a réussi son pari. Son interprétation est savoureuse. On connaît
son sens de la scène, on saura désormais à quel point il est un
partenaire soucieux des autres et qu’il est aussi drôle dans les
textes classiques. Il est une vraie vedette populaire et la scène
de la révérence à la marquise restera dans les tablettes comme un
fou rire digne du grand turc. Théâtre de Paris 9e (01.48.74.25.37).
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction
|