BONTE
DIVINE
Article
publié dans la Lettre n° 296
BONTÉ DIVINE ! de Frédéric Lenoir
et Louis-Michel Colla. Mise en scène Christophe Lidon avec Roland
Giraud, Saïd Amadis, Jean-Loup Horwitz, Benoît Nguyen Tat.
Le rideau est fermé. En avant-scène, quatre hommes sont assis face
au public. On reconnaît à leur habit un prêtre en col romain, une
croix au revers de sa veste, un rabbin coiffé de sa kippa, un imam,
son châle et sa calotte, et un moine bouddhiste en robe orange,
la tête rasée. La conférence interreligieuse à laquelle ils participent
s’achève et ils répondent aux questions du public. Celles-ci les
embarrassent parfois. Le prêtre justifie « l’Église scandaleusement
riche » , tandis que l’imam tente d’expliquer que malgré le Djihad,
la violence n’est pas intrinsèque à sa religion. Le mariage des
prêtres permet au représentant de l’Église catholique d’assurer
qu’un prêtre doit être entièrement dévoué à sa communauté lorsqu’il
remarque la gêne du rabbin et de l’imam qui eux sont mariés ! Le
débat prend fin. Les quatre hommes sont maintenant dans la loge
de la salle de conférences. Ils se réjouissent de l’affluence du
public de plus en plus friand des débats interreligieux, débattent
à bâtons rompus de questions plus sérieuses comme l’existence de
Dieu et la position du bouddhisme sur cette question, sans s’apercevoir
que, dans leur élan, ils sont en train d’ignorer l’avis de son représentant
! Ils vont passer une partie du week-end ensemble, la maison d’édition
les ayant réunis pour écrire un ouvrage en commun, destiné à sensibiliser
les jeunes, même si l’imam est singulièrement désabusé sur ce point:
« Pardonnez-moi de parler crûment, mais ils n’en ont plus rien à
faire de la religion ». Quoiqu’il en soit, même si tous les chemins
mènent à Dieu, le prêtre, le rabbin et l’imam sont convaincus que
leur religion est la meilleure. Il sont remis en place avec humour
par le bonze : « Supprimons donc l’existence de Dieu, c’est plus
simple pour se mettre d’accord…Ça s’appelle le bouddhisme» !
Trêve de plaisanterie. Ils reviennent au livre. Bien sûr, ils ne
l’écrivent pas pour de l’argent, quoique… La conversation se poursuit
et glisse naturellement aux joies de la table, nul n’est parfait,
sa sérénité restant toutefois un peu en dehors du sujet ! Le rabbin
se dirige enfin vers la porte pour passer dans sa chambre et s’aperçoit
que celle-ci, blindée, est fermée. Le prêtre dit avoir oublié la
clef dans la poche de sa veste restée sur l’estrade de la salle
et ne pas se souvenir du code ! Si sa sérénité reste impassible,
l’affolement s’empare du rabbin et de l’imam lorsqu’ils apprennent
que la seule personne avec eux dans le bâtiment est un abbé de 88
ans sourd comme un pot et que les portables ne fonctionnement pas,
faute de réseau. Ils sont coincés là tout le week-end. Le prêtre
finit par leur dévoiler qu’il les a enfermés exprès. Ils sont trois
grands esprits religieux qui ont consacré leur vie à leur secerdoce,
trois hommes qui peuvent l’aider : « J’ai besoin de vous... ».
Frédéric Lenoir est philosophe et romancier, directeur du Monde
des religions, Louis-Michel Colla écrit pour le théâtre. Il
est connu, entre autres, pour l’Arbre de la joie, élaboré
en collaboration avec le professeur Khayat. Ils concoctent ensemble
ce débat savoureux et grave où s’affrontent de façon très perspicace
croyances et différences, huis clos mis en scène avec énergie par
Christophe Lidon. Bon nombre de questions que nous nous posons sont
abordées. On appréciera, entre autres, le débat sur la souffrance
et le long monologue du moine bouddhiste qui en explique la source
selon ses préceptes. Le portrait des différents représentants colle
parfaitement à la personnalité et à la culture de chacun. La réserve
ostensible du moine bouddhiste est en accord avec sa philosophie.
Étudiant et méditant depuis l’âge de six ans, il est certain d’avoir
raison et ne cherche pas à convaincre. Chaque comédien se donne
corps et âme à celui qu’il interprète. Une excellente vulgarisation
d’un sujet qui passionne un public nombreux, suspendu à leurs lèvres.
Théâtre de la Gaîté Montparnasse 14e.
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