LES BONOBOS
Article
publié dans la Lettre n° 331
du
24 octobre 2011
LES BONOBOS de Laurent Baffie. Mise
en scène Laurent Baffie avec Laurent Baffie ou Alain Bouzigues,
Marc Fayet, Jean-Noël Brouté, Caroline Anglade, Camille Chamoux,
Karine Dubernet.
Comment exploiter une idée originale et drôle pour écrire une bonne
comédie ? Comment la mettre en scène pour séduire son public jusqu’à
la dernière seconde, tout en jouant accessoirement l’un des rôles?
Laurent Baffie semble être passé maître dans cet art. Dans Toc
Toc (Lettre 253) qui remporta un succès mémorable en
2006, des patients étaient réunis dans une salle d’attente, souffrant
chacun d’un trouble obsessionnel compulsif. Cette fois, Laurent
Baffie a recours à des handicaps plus lourds. Alex (Marc Fayet)
est aveugle, Ben (Laurent Baffie ou Alain Bouzigues) est muet et
Dani (Jean-Noël Brouté) est sourd. Copains depuis l’âge de quinze
ans, une idée fixe commune les taraude chaque jour davantage : coucher
avec une fille sans avoir à payer. La brève étreinte tarifée d’une
prostituée avec en prime sa commisération, ils ne peuvent plus la
supporter. Ils rêvent d’avoir enfin l’illusion de séduire une jeune
femme comme les autres, malgré leur handicap qui les fait toutes
fuir. Alex vient d’avoir une idée qu’il expose avec conviction,
celle de créer leur propre site de rencontres sur Internet. Cette
idée fumeuse ou lumineuse, Ben et Dany ne savent pas trop qu’en
penser mais, après moult tergiversations, ils décident de tenter
le coup. Trois filles mordent à l’hameçon. Il n’y a plus qu’à…!
Ne dévoilons pas ce qui se passe successivement dans les appartements
de nos trois bonobos qui rivalisent de trouvailles pour aider
leurs copains à séduire celle qu’ils ont élue ou bien leur mettre
des bâtons dans les roues lorsqu’ils ont jeté leur dévolu sur la
même. Les trois jeunes femmes ont chacune un caractère et un vécu
qu’il faut exploiter avec astuce. Julie, la policière cynophile,
a un faible pour les malinois, Angélique, l’infirmière déprimée,
travaille dans le service des enfants malades du cancer, et Léa,
vendeuse de souliers chez Bertier, (comment ? Vous ne connaissez
pas la Maison Bertier ?), a promis à sa mère qu’elle serait mariée
et enceinte à l’âge du Christ. Or, elle a atteint trente-deux ans
trois-quarts !
Il ne faut cependant jamais sous-estimer l’adversaire. Les filles
ont, elles aussi, plus d’un tour dans leur sac...
Les comédiens, excellents, s’entendent comme larrons en foire pour
mener à bien « cette escroquerie sentimentale avec préméditation
», stimulés par une scénographie très astucieuse et des idées toutes
plus saugrenues les unes que les autres qui se succèdent au rythme
d’une mise en scène endiablée. Ils emportent en un tournemain, dans
d’invraisemblables démêlés, un public hilare et très enthousiaste,
pris de fous rires ininterrompus.
Si pour un auteur « c’est une étrange entreprise que celle de faire
rire les honnêtes gens », pour les honnêtes gens, il est tout aussi
difficile de trouver un auteur qui les réjouissent. Lorsqu’ils en
tiennent un, ils ne le lâchent plus. La seule crainte : que l’inspiration
s’émousse. A cet égard, il semble que celle de Laurent Baffie ne
s’altère pas le moins du monde. Théâtre du Palais-Royal 1er.
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