BLIND DATE
Article
publié dans la Lettre n° 378
du
9 février 2015
BLIND DATE de Mario Diament. Mise
en scène John McLean avec Dominique Arden, Raphaëlle Cambray, Ingrid
Donnadieu, Victor Haïm, André Nerman.
Il ne se croyait pas assez souple, elle se savait trop timide. Quelques
secondes de métro parisien ont suffi à sceller leurs regards et
le déroulé de leurs vies respectives. Au long de ces trente années,
il n’a cessé de penser à elle, son inévitable amour, elle
n’a cessé de venir écouter le célèbre écrivain. Elle s’est abîmée
dans les regrets, la frustration, une vie gâchée et glacée. Il est
devenu aveugle, ce qui ne l’empêche pas de voir, ici et ailleurs,
et surtout de prêter l’oreille. La cécité certes, mais surtout une
sagesse souriante et curieuse qui accepte le croisement inopiné
d’existences improbables, et le regard attentif porté sur la fiction
aux aguets, sur l’émergence inédite ou prévisible d’une trame de
passions qui ne demandent qu’à éclore ou exploser.
L’amour ignoré vient toujours nous demander des comptes.
Les amours se déclinent en confidences sur un banc, celui du parc
où s’assoit le vieux sage au gré des saisons, celui plus professionnel
où viennent s’épancher les désarrois du cœur.
Sur fond de musique argentine et d’Education Sentimentale
de Flaubert, cinq destins se nouent et se tissent jusqu’au drame
ou à l’apaisement ébloui. De ce quintette aux rythmes en parfaite
résonance, le chef d’orchestre désigné par le hasard, Victor Haïm,
fait merveille en écrivain facétieux, dans son imagination permanente
de la grande bibliothèque de l’existence. Autour de lui, se font
écho la passion dévastatrice de l’homme mûr, l’insolence de la jeunesse,
la fidélité bafouée de l’épouse, l’amère lucidité de celle qui croit
avoir tout galvaudé. Mais, qui sait ?
Un bien joli moment. A D. Théâtre de la Huchette 5e.
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