LE BIZARRE INCIDENT DU CHIEN PENDANT LA NUIT

Article publié dans la Lettre n° 385
du 21 septembre 2015


LE BIZARRE INCIDENT DU CHIEN PENDANT LA NUIT. D’après Mark Haddon. Adaptation Simon Stephens. Texte français Dominique Hollier. Mise en scène Philippe Adrien avec Pierre Lefebvre, Juliette Poissonnier, Sébastien Bravard, Nathalie Vairac, Bernadette Le Saché, Mireille Roussel, Laurent Montel, Laurent Ménoret, Tadié Tuéné, Ada la chienne.
Non, nul ne peut impunément enfourcher Wellington, le chien de la voisine, surtout quand c’est Christopher le jeune voisin, accusé à tort de cet assassinat, qui se lance sur la piste de l’assassin. Nul père ne peut bâtir sur l’interdit, le mensonge et la dissimulation de preuves la vie commune avec son Sherlock Holmes de fils. Surtout quand ce jeune détective est attaché, jusqu’à l’obsession, à la vérité des paroles et des actes. Le cadavre du chien fera sortir des placards, outre les lettres enfouies et les trains oubliés, d’autres cadavres réels ou supposés, ceux des illusions, des tromperies, des fuites. C’est que Christopher, qui n’est pas tout à fait comme les autres adolescents, dérange par sa lucidité et sa souplesse tant physique qu’intellectuelle, par son inadaptation aux codes sociaux, par la violence de ses réactions à toute approche tactile. Mais il est le miroir involontaire qui est tendu aux mesquineries, aux veuleries, aux jalousies, aux incompatibilités qui émaillent le quotidien des adultes.
La mise en scène, à la fois souple et dépouillée de toute surcharge inutilement explicative, laisse aux acteurs, -excellents -, la liberté de leur danse, au propre comme au figuré, autour du jeune protagoniste. Danse de protection ou d’allergie, d’incompréhension ou de compassion. Siobhan, à la fois impliquée dans l’action et voix externe du récit progressif qu’élabore l’adolescent autiste, donne à voir le parcours du temps. Pierre Lefebvre donne chair au personnage de Christopher, magnifiquement gracile et violent, dans ses incertitudes, ses révoltes et ses victoires. Les deux scènes de voyages en train et métro sont, à ce propos, de vraies réussites d’évocation, sans pathos ni apitoiement.
On rit, on frémit, on applaudit bien sûr, mais surtout, au sortir de cette fresque vivace, le regard a changé. Moins de réticence, une complicité désormais motivée. Théâtrale certes, définitivement vitale. A.D. Théâtre de la Tempête - Cartoucherie de Vincennes, 12e.


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