BÉRÉNICE
Article
publié dans la Lettre n° 331
du
24 octobre 2011
BÉRÉNICE de Jean Racine. Mise en scène
Muriel Mayette avec Yves Gasc, Simon Eine, Martine Chevallier, Jean-Baptiste
Malartre, Françoise Gillard ou Adeline d’Hermy, Aurélien Recoing,
Renaud Triffault.
A Rome, depuis cinq ans déjà, Antiochus, roi de Comagène tait son
amour pour Bérénice, reine de Palestine. Après « cinq ans d’amour
superflu », sa décision est prise : il part, malgré la réticence
d’Arsace, son confident, qui lui conseille de demeurer encore. Bérénice
n’a d’yeux que pour Titus qui l’aime en retour. Fils de Vespasien,
la mort de celui-ci et la période du deuil avaient « suspendu son
amour ». Il est aujourd’hui le maître de Rome et s’apprête, selon
Antiochus, à couronner Bérénice définitivement perdue pour lui.
Rome, cependant, hait les rois et les reines, au point de ne plus
admettre un sang royal à la tête de son empire, encore moins une
reine étrangère. « Titus peut tout », semble-t-il. Il aime Bérénice
mais craint pourtant de l’épouser. Il doit trancher: aimer ou régner.
Antiochus prend congé de Bérénice après lui avoir avoué son amour,
puis de Titus, son ami, qui, étrangement, lui demande de prier,
à sa place, Bérénice de s’éloigner. Cette résolution pourrait réjouir
l’amoureux transi. Mais la reine, abasourdie par l’annonce de la
trahison de l’homme dont elle se croit aimée, veut l’entendre de
sa bouche même. Pressé par Paulus, son confident, d’embrasser le
pouvoir, Titus lui confirme sa décision. Bérénice, désespérée, projette
de mettre fin à ses jours. Titus lui arrache alors la promesse de
n’en rien faire.
De tout temps, la raison d’état et les sentiments se sont affrontés.
Indécis, Titus laisse le temps décider pour lui et fait preuve de
bien peu de courage au moment d’assumer son choix. Il règnera donc,
se conformant plus volontiers à son devoir envers l’état et le peuple
de Rome qu’à imposer son amour. Bérénice, en revanche, montre par
son sacrifice une profonde grandeur d’âme, brisant dignement un
rêve qu’elle savait improbable. Cette rupture, merveilleusement
relatée par Racine, reste très actuelle. En choisissant des costumes
contemporains pour habiller les comédiens, Virginie Merlin le suggère
fort bien. Les siècles se succèdent, les amours impossibles affrontent
toujours la raison d’état mais elles triomphent aujourd’hui plus
souvent, les futurs rois et reines dictant plus fermement leur destin.
Comme pour Andromaque (Lettre 319), la mise en scène
très sobre de Muriel Mayette révèle la beauté des alexandrins. Pas
une anicroche dans cette représentation impeccable où les rôles
des confidents et confidentes sont très bien tenus. Mais l’émotion
qui devrait être palpable durant les entrevues des amants et surtout
lors de la tirade particulièrement émouvante de Bérénice au quatrième
acte, n’est pas toujours perceptible. Jean-Baptiste Malartre restitue
avec un formidable talent le désarroi et la douleur d’Antiochus.
Martine Chevallier et Aurélien Recoing, en revanche, se montrent
moins convaincants. L’inattention surprenante d’une partie des spectateurs
ce soir-là, n’a peut-être pas permis aux autres de ressentir l’émotion
des deux comédiens. Comédie-Française 1er.
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Fermez
cette fenêtre ou mettez-la en réduction pour revenir
à « Spectacles Sélection »
|