BERENICE

Article publié dans la Lettre n° 190


BERENICE de Racine. Mise en scène Lambert Wilson avec Michel Baumann, Charlotte Clamens, Fabrice Michel, Bernard Musson, Robin Renucci, Gil Robert, Didier Sandre, Kristin Scott Thomas.
Bérénice, reine de Palestine, est l'objet de la passion d'Antiochus, roi de Comagène. Mais elle aime et est aimée de Titus, fils de Vespasien, empereur de Rome. Cinq ans ont passé depuis leur premier émoi, mais la course des saisons n'a pas terni leur amour. Aujourd'hui, à Rome, Titus doit succéder à Vespasien. L'empire tout entier s'attend à une union du nouvel empereur avec une reine étrangère, union à laquelle Vespasien s'était toujours opposé. Si Bérénice persiste dans ses sentiments et s'apprête à devenir impératrice, pour Titus un dilemme se pose: doit-il sacrifier l'ordre des choses, le pouvoir et les traditions à son amour? Paulin, son conseiller, le pousse vers un choix cruel mais nécessaire. Lorsque commence la pièce, le choix de Titus est arrêté: la raison a pris le pas sur la passion. Dans la douleur, il hésite à affronter le regard et les mots de celle à laquelle il renonce. Cette passion commune est inébranlable parce qu'elle est celle de deux êtres qui ont vécu, et elle restera inaltérable malgré la séparation. Toute l'action de la pièce tourne autour du chemin que doit emprunter Bérénice pour comprendre le choix de Titus, supporter l'évidence et se retirer avec abnégation mais non sans fierté, pendant qu'Antiochus, témoin du drame de celle qu'il aime, y assiste, impuissant à le soulager, mais aussi incapable de s'imposer dans le coeur délaissé de l'aimée.
Par la qualité des vers, la profondeur des sentiments exprimés et la construction méthodique des scènes qui se succèdent vers l'implacable épilogue, la pièce de Racine a traversé les siècles, éternellement jeune et actuelle. Lambert Wilson situe l'action dans les années 30. Il rend ainsi l'argument contemporain sans pour autant trahir le propos de l'auteur, la passion étant intemporelle. Il prend le parti d'une mise en scène dont le raffinement est présent dans les moindres détails. Si la sensualité perce dans le jeu puissant de Didier Sandre et dans celui plus voluptueux et plus violent de Kristin Scott Thomas, les autres comédiens sont à leur hauteur, Robin Renucci en particulier, excellent dans le rôle douloureux d'Antiochus. La sobriété des décors, l'élégance et la distinction des costumes apportent la touche essentielle à ce très beau travail dont on retiendra une recherche constante de l'épurement, de la délicatesse et de la subtilité contenus dans les vers raciniens, sans afféterie ni affectation. Théâtre National de Chaillot 16e (Lettre 190).


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