BENT
Article
publié dans la Lettre n° 196
BENT de Martin Sherman. Adaptation
et mise en scène Thierry Lavat avec Yannis Baraban, Florent Bigot
de Nesles, Benjamin Boyer, Eric Hémon, Frantz Herman, Gérald Maillet,
Laurent Papot, Christophe Ramirez.
En Allemagne, le jour qui suit la nuit des longs couteaux
va sonner le glas des libertés. Jusque-là inquiétés, juifs, homosexuels
et intellectuels de gauche vont être traqués, massacrés où finiront
leurs jours, dans les plus brefs délais, dans l’un des camps de
la mort. L’après-midi du 2 juillet, lorsqu’ils s’éveillent, Max,
Rudy et le jeune gay qu’ils ont ramené à l’issue de leur nuit de
bringue, ne savent pas encore que, pour eux aussi, le compte à rebours
a commencé. Arrêtés par la gestapo, ils glissent vers l’horreur,
et Max ne peut qu’assister impuissant à l’exécution de son ami par
un officier S.S. Une fois à Dachau, Max se retrouve seul. Il fait
plus ample connaissance avec Horst, un jeune homme en compagnie
duquel il a fait le trajet jusqu’au camp. Si Horst porte le triangle
rose, insigne distinctif le plus bas, celui des homosexuels, Max
qui a réussi à cacher son homosexualité, pensant mieux s’en sortir,
arbore l’étoile jaune. Mais qu’importe le signe distinctif, rien
ni personne ne peut arrêter la mort programmée et décidée par un
parti galvanisé par la démence d’un fou, et encore moins son sadisme
et sa cruauté.
Martin Sherman est américain, d’origine juive. Frappé par les préjugés
de sa communauté face aux homosexuels dont il fait aussi partie,
il lui a semblé essentiel de retracer une fois encore le calvaire
subi par ces deux minorités durant la guerre. Bent est un
cri du coeur, un texte très fort dans lequel perce, à travers un
réalisme poignant, la profondeur des relations humaines et de l’amour.
Thierry Lavat, bouleversé par ce témoignage, a adapté la pièce mais
plusieurs années ont passé avant que cette aventure artistique
parvienne jusqu’au Théâtre de l’Oeuvre. Plutôt que de mettre
en avant la barbarie nazie, il a privilégié les sentiments et mis
l’accent sur le quotidien de ces prisonniers dont l’instinct de
survie force l’admiration. Le décor et la mise en scène d’une grande
sobriété donnent toute sa valeur au texte et la direction d’acteurs
subtile conduit les comédiens à rechercher au plus profond d’eux-mêmes
l’expression de leurs sentiments face à une situation insoutenable.
Pour Yannis Baraban, Max, Benjamin Boyer, Horst et Frantz Herman,
Rudy, les rôles sont écrasants, mais, entourés par une distribution
de qualité, chacun s’en sort de façon remarquable, parvenant à donner
à son personnage l’humanité et la force de son amour face à l’ignominie.
Auteur, adaptateur et metteur en scène remettent en lumière avec
beaucoup de tact cette époque effroyable. Ce devoir de mémoire est
plus que jamais d’actualité. Il est encore trop tôt pour chanter
victoire, « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête
immonde ». Théâtre de l’Oeuvre 9e (Lettre 196).
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