LA BELLE MEMOIRE

Article publié dans la Lettre n° 218


LA BELLE MEMOIRE de Pierre-Olivier Scotto et Martine Feldmann. Mise en scène Alain Sachs avec Geneviève Casile, Claire Borotra, Grégori Baquet.
Claire est une pianiste de renommée internationale. Les sonates, les arpèges n’ont pas de secret pour elle. Par contre, faire une quiche relève de l’exploit. La confection de ce plat nous fait sourire, les hésitations, les subterfuges utilisés nous semblent enfantins, les photos Polaroïd qu’elle fait à chaque étape nous amusent. Mais notre sourire s’efface, cette femme perd la mémoire. Même dans sa maison, il faut qu’elle sème des photos-petits cailloux du souvenir. Quelle est cette jeune femme qui fait irruption dans son salon? Son visage lui est familier, est-ce une infirmière, une ancienne élève, une amie? Marina est sa fille. Consciente du mal qui dévore sa mère, elle vient à son secours. Un jeune homme en colère surgit. Claire ne le connaît pas. Jérémy est son petit-fils. Elle a oublié tout un pan de sa vie, de même qu’elle a oublié que son fils est mort. L’oubli peut être le pansement de l’âme. Jérémy et Marina, le neveu et la jeune tante vont se découvrir et tenter de lever le voile sur la double vie de Claire. Sous la grande verrière du jardin d’hiver, la pluie tambourine dans la mémoire de Claire qui tente de remettre en place les bouts de ses souvenirs. Et puis, il y a le piano qui trône dans le salon. Majestueux et familier, il permet le temps d’un accord de réunir cette famille en quête de ses racines.
Martine Feldman et Pierre-Olivier Scotto ont écrit une pièce sensible qui parle non seulement de la maladie d’Alzeimer mais aussi de la mémoire du XXe siècle et de ses méandres douloureux. Claire a tout donné à la musique, elle n’hésitait pas à dire à l’homme qu’elle aimait qu’elle place la musique avant. Toute sa vie est dans cet aveu. Alain Sachs a mis en scène avec beaucoup de délicatesse le spectacle en évitant l’écueil de la sensiblerie. Le décor superbe de Guy-Claude François est un personnage à part entière, il exprime le désarroi de ceux qui perdent leurs repères familiers. Claire Borotra et Grégori Baquet jouent constamment à la lisière de l’émotion, de la rage et de l’impuissance. Geneviève Casile est un diamant, une étoile. Quoiqu’elle joue, elle illumine la scène. Tout ce qui passe par le prisme de son talent nous fascine. Belle, captivante, émouvante, elle est la belle mémoire de notre coeur. Théâtre Hébertot 17e (01.43.87.23.23) (Lettre 218).


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