LA BELLE VIE

Article publié dans la Lettre n° 342
du 11 juin 2012


LA BELLE VIE de Jean Anouilh. Mise en scène Jean-Philippe Daguerre avec Annie Chaplin, Charlotte Matzneff, Flore Vannier-Moreau, Jacques Auxenel ou Olivier Girard, Grégoire Bourbier, Jean-Philippe Daguerre ou Stéphane Dauch, Johann Dionnet, Antoine Guiraud, Jean-Yves Ostro ou Pierre Benoist, Yves Roux.
Dans un pays qui ressemble à une Allemagne où se serait déroulée la révolution russe de 1917, une révolution du même genre a renversé le gouvernement en place. Les « Rouges » ont pris le pouvoir et ont décidé d’éliminer tous les riches, bourgeois ou aristocrates. Les enfants de moins de 15 ans sont épargnés, placés dans un camp de rééducation puis iront ensuite travailler en usine. Tous ? Non ! Les nouvelles têtes pensantes ont décidé d’épargner une famille, pour l’exemple, afin que les gens du peuple se souviennent de ceux qui les ont exploités. Le camarade commissaire vient donc annoncer à la famille Von Valençay, non leur exécution prochaine, mais leur placement, sous surveillance de leur ancien majordome, dans l’hôtel particulier des Waldshutz qui ont eu moins de chance qu’eux. Mais cette bonne nouvelle est soumise à une condition qui ne laisse pas de les surprendre. Ils devront se mettre en représentation deux fois par jour, c’est-à-dire exposer aux regards leur existence quotidienne comme s’ils étaient sur une scène. Le peuple défilera pour les regarder vivre durant leurs heures de loisirs.
Jugeant qu’ils n’ont pas le choix, le chef de famille décide de prendre les choses comme elles viennent et de se plier aux exigences du camarade commissaire. Dans la foulée, il tente de calmer sa femme, de rassurer sa sœur. Son fils, d’abord atterré, est vite rasséréné quand il voit se profiler la petite soubrette, pour les servir comme par le passé, même si elle arrive du lupanar du coin. Sa fille, après quelques grognements, rentre dans le rang lorsqu’elle apprend qu’on lui a réservé les plus belles robes du célèbre couturier qui venait d’organiser son défilé. Pour son gendre militaire, c’est un peu plus compliqué, l’homme a des principes. La vie s’organise pourtant autour des petites habitudes reprises mais aussi autour des disputes, voire des scènes de ménage. Le peuple est édifié mais la famille a de la ressource. Cela swing dans le loft des aristos…
Cette comédie révolutionnaire, écrite en 1979 pour être filmée pour la télévision, n’a jamais été montée sur scène. Un désir commun de créer un spectacle ensemble a réuni Annie Chaplin, Jacques Auxenel et Jean-Philippe Daguerre. Il ne manquait plus que l’esprit d’à propos de Colombe Anouilh pour que leur souhait devienne réalité et que La belle vie prenne vie sur scène. Imaginez, ne serait-ce qu’une minute, l’humour caustique de Jean Anouilh, sa manière de tourner en dérision les travers de ses contemporains, son style fulgurant et vous courrez voir ce spectacle absolument génial. Cette comédie révolutionnaire, voire réactionnaire, met tout le monde en boîte avec une virtuosité sans pareille. La distribution est merveilleuse et la mise en scène, très originale, d’une formidable efficacité. Théâtre des Variétés 9e.


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