BED AND BREAKFAST
Article
publié dans la Lettre n° 311
BED AND BREAKFAST de Joe O’Byrne.
Adaptation et mise en scène Cerise Guy avec Marie Vincent, Roland
Marchisio, Catherine Hosmalin, Alain Stern, Mathilde Hennekinne,
Anne-Sophie Germanaz, Elisa Oriol.
Bed and Breakfast, l’appellation marque le lieu comme le
temps marque l’Irlande : aussi imprévisible que changeant. Ce gîte
possède une convivialité variée et variable selon les gens qui le
gèrent. Evelyne, d’humeur versatile, règne tant bien que mal sur
le sien et accueille vaille que vaille des touristes qui, eux aussi,
sont représentatifs du Bed and Breakfast qui les loge. En
ce moment, son B&B serait plutôt un Bed and Bunker car elle
a maille à partir avec un couple de teutons éternellement affamés
et littéralement amoureux de ses pancakes. Heureusement,
et comme son nom originel l’indique, les talents culinaires d’Evelyne
s’arrêtent au petit déjeuner. Seule pour mener a bien ses tâches
quotidiennes, elle en a plus qu’assez de faire la Bed and Bonniche
et menace de temps à autre de se pendre au-dessus de la table de
la cuisine et pour cause.
D’après elle, son B&B peut aussi se révéler être un Bed and Batard
ou un Bed and Bordel, c’est selon : affligée de deux filles
pas tristes, Jennifer et Ella, Evelyne, seule pour les élever, a
fait le maximum pour leur donner de l’éducation et de l’affection.
Mais alors, pourquoi ses deux filles tournent-elles mal ? Pendant
que Jennifer, enceinte jusqu’aux yeux, attend le retour hypothétique
du jeune rital, responsable de l’ampleur de son ventre, Ella, sa
presque sœur, a d’autres inclinations amoureuses en la personne
de Clara, sa grande copine, qui officie comme guide d’un lieu battu
par les vents, devenu bizarrement touristique. Ce penchant coupable,
Ella l’accommode avec une foi inébranlable en la Vierge Marie, l’oreille
collée à son MP3 qui lui diffuse profusion de cantiques à l’envie.
Cela dit, le Bed and Breakfast d’Evelyne va tourner au Bed
and Barjo avec le retour aussi imprévu qu’inopiné de son frère
adoré Owe qui, disparu un beau matin vers les horizons plus prometteurs
de Las Vegas, réapparaît vingt ans plus tard, atteint d’un mal incurable
qui ne lui laisse que très peu de temps pour évacuer un sentiment
de culpabilité qui le ronge depuis toutes ces années.
Le Bed and Breakfast ne va pas tarder à se transformer en
Bed and Boulettes. Entre ses clients, ses filles et surtout
son frère qui sème un peu partout les os du vieux cadavre qu’il
est venu déterrer, les nerfs d’Evelyne vont être mis à rude épreuve
…
Cerise Guy est tombée sous le charme de cette tragi-comédie
extravagante de l’irlandais Joe O’Byrne, au point de la traduire
et de la mettre en scène. Si son adaptation, très drôle, exprime
parfaitement l’humour légendaire de l’Irlande, humour qui devient
ici la politesse du désespoir, elle rend très authentique
cette île aux paysages grandioses battus par les éléments, peuplée
de gens généreux, un peu excentriques, aux sentiments très forts.
Sa mise en scène, en revanche, trop outrancière, dessert plus que
porte des comédiens qui ne parviennent pas toujours, malgré leur
talent, à maîtriser leur liberté d’action. Mais ne soyons pas plus
royalistes que le roi : le public, lui, adhère avec enthousiasme
à ce divertissement loufoque. Théâtre 14 14e.
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction
|